Le Parc National des Pyrénées a fêté ses 50 ans -1-
Publié le 15/09/2017 à 15:42 | La Dépêche du Midi |
Le parc national des Pyrénées a 50 ans
Le Cirque de Gavarnie, gand site du Parc National des Pyrénées / Photo DDM
Le Parc national des Pyrénées fête cette année ses 50 ans d'existence. Un anniversaire que La Dépêche du Midi a décidé de célébrer en publiant cet été une série de portraits de ceux qui, au plus près du terrain, font vivre le parc depuis un demi siècle.
Le Parc national des Pyrénées est le troisième parc national français à avoir vu le jour par décret du 23 mars 1967. La France compte aujourd'hui 10 parcs nationaux sur son territoire, dont 3 en outre-mer. Ces espaces naturels ont été classés en parc national de par leurs richesses naturelles et culturelles exceptionnelles.
Publié le 08/08/2017 à 08:12 | La Dépêche du Midi | Pierre Challier
Gaston, le hasard et les isards..
Recruté en 1967, Gaston Nogué a consacré sa vie au Parc national des Pyrénées .Il a fait partie de ceux qui ont fait évoluer les mentalités./ Photo DDM / P.C.
Le Parc national des Pyrénées fête ses 50 ans. Un anniversaire que nous évoquerons cette semaine à travers une série de portraits pour revenir sur ses missions depuis un demi-siècle. Aujourd'hui, Gaston Nogué, l'un des premiers gardes-moniteurs recruté en 1967.
Il est né il y a 73 ans à Gèdre, carrefour des routes menant aux deux plus majestueux cirques des Pyrénées : Troumouse et Gavarnie... Mais en 1944, le grandiose ne nourrissait ni son homme ni sa famille, au plus haut du pays Toy.
«Mes parents avaient un petit café à Héas, Le Refuge, et leur ferme, une dizaine de vaches et 50 brebis. Comme chaussures, on avait les sabots et pour aller en montagne, je les cachais derrière un caillou puis je montais pieds nus, ça allait plus vite.», se souvient Gaston Nogué. Chez lui ? Hiératique, un poster du Vignemale en noir et blanc veille l'entrée avec une lithographie romantique de pastoureaux du XIXe siècle. Mais le temps s'y rebrousse exempt de «c'était mieux avant».
Les premiers gardes-moniteurs à Gavarnie / Photo Fb, PNP ©.Pierre Lavantes
«C'était la misère»
L'aînée de cinq, Gaston se rappelle ainsi, encore ému, les pommes et les poires à la table de ses hôtes, lorsqu'il descendait préparer le certificat d'études à Luz, «parce que des fruits, on n'en mangeait jamais, c'était la misère là-haut». L'instituteur aurait voulu qu'il parte étudier. «J'étais bon élève, mais être paysan, j'aimais ça». Sauf que le service militaire passé, cela devenait de plus en plus aléatoire de survivre au pays, en ces années 60, même en travaillant aussi pour les grands chantiers d'altitude.
«Pourquoi tu ne présentes pas le concours du Parc national ? m'a demandé un jour un voisin». On était en 1967 et après la Vanoise dans les Alpes, en 1963, l'état voulait aussi sanctuariser le cœur montagnard de la Bigorre et du Béarn pour y protéger et conserver faune et flore menacées, l'ours, l'isard, l'adonis des Pyrénées. Et pour faciliter le dialogue avec une population –plutôt hostile – les élus locaux avaient obtenu que les 33 premiers gardes soient «du cru».
«Mais moi, le Parc national, ça ne m'évoquait pas grand-chose à l'époque», reconnaît Gaston. Qui présenta donc le concours plus par hasard que par conviction, et parce que jeune marié, «780 francs de salaire garanti par mois, ce n'était pas rien».
«Assez vite pourtant, j'ai eu ce qu'on appellerait aujourd'hui «une prise de conscience environnementale»», poursuit-il. Car l'urgence était là.
Autour de lui bergers et chasseurs jaloux de leur indépendance montagnarde disaient «non au Parc». Mais il était temps d'ouvrir les yeux.
Les marmottes fascinent toujours autant le grand public./ Photo DDM
«L'isard, ça a été le déclic pour moi...à Troumouse, enfant, je les avais vus et mon père en tirait de temps en temps pour améliorer l'ordinaire, mais il n'y en avait plus !», explique Gaston. Après guerre, les armes de précision s'était répandues. Un carnage en toute saison avec braconnage jusqu'en Espagne.
«Et puis, côté ravages, il y avait aussi des superstitions sur le gypaète, les vautours, les grands rapaces aussi se faisaient tirer...» Quant au lagopède, la perdrix des neiges, son oiseau fétiche... Alors Gaston est devenu plus que «garde moniteur» : avocat de la nature. «Le Parc a changé ma vie en m'offrant un métier dont je n'aurais pas rêvé enfant».
Un projecteur, des diapos ou des films super-8 pour bâton de pèlerin : comme tous ceux de sa génération, il est parti arpenter aussi toutes les salles communales et les écoles pour éduquer, tenter de changer les mentalités, faire naître le respect du vivant.
Oui, il a fallu interdire et expliquer... «Mais je vous jure, lorsqu'en 1972 j'ai vu une chevrée d'une vingtaine d'isards revenue à Troumouse, ça m'a bouleversé. C'était le retour de la vie...»
Le président Laurend Grandsimon devant le logo anniversaire des 50 ans. / Photo DDM, Mickaël Louit
Parcs : porte-parole pyrénéen
Le 30 juin dernier, les dix présidents des parcs nationaux français ont lancé «l'appel de Barcelonnette», pour rappeler le rôle crucial des parcs nationaux et de l'ensemble des espaces protégés de France dans la recherche, l'éducation et la transition écologique. Pour mieux faire entendre leur voix au sein des structures nationales, ils se sont également constitué en conférence et ont désigné pour porte-parole le président du Parc national des Pyrénées et maire de Luz Saint-Sauveur, Laurent Grandsimon.
Le chiffre : 45707 hectares> . Créé le 23 mars 1967, le Parc national des Pyrénées borde la frontière espagnole et s'étend sur 100 km, deux départements (Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques) et deux régions, Occitanie et Nouvelle Aquitaine. Sa zone centrale couvre 45 707 ha.
Publié le 09/08/2017 à 09:07 | La Dépêche du Midi | Pierre Challier
Jean-Paul et «ses» bouquetins
Jean-Paul Crampe, lors d'une mission d'étude du Bouquetin ibérique dans le massif espagnol des Gredos. / Photo PnP.
Entré au Parc national en 1973, Jean-Paul Crampe reste une référence pour l'isard et le bouquetin dont il a été le principal artisan de la réintroduction dans les Pyrénées.
Officiellement, il est à la retraite. Mais bon... si vous êtes en vacances dans les Hautes-Pyrénées, vous le croiserez encore deux ou trois fois par semaine à Pont d'Espagne, redescendant de sommets sur lesquels vous éviterez de le suivre. Rocailles vertigineuses et solitudes de caillasses abruptes réservées aux sabots expérimentés de ses chers bouquetins... à 67 ans, Jean-Paul Crampe continue à veiller sur leurs hardes trapues, dominées par les cornes torsadées en lyre des boucs, jusqu'à 90 cm pour les plus beaux mâles.
Jean-Paul ? à l'instar de Gaston Nogué il a aussi fait partie des défricheurs qui ont construit sur le terrain l'identité du Parc national et pour partie ses savoirs... «J'y suis entré le 22 septembre 1973, le jour de mon anniversaire et les gens voyaient surtout en nous des “gardiens de réserve d'isards”», se souvient-il. Après trois ans passés en Ossau, lui arrive en 1976 sur la plus emblématique, le secteur de Cauterets.
L'isard, espèce emblématique des Pyrénées / Photo DDM T.S.
Avis d'extinction...
10 000 ha dominés par le prestigieux «3000» du Vignemale... c'est l'un des endroits phares des Pyrénées centrales. Jean-Paul n'en bougera plus désormais, pour y devenir chef de secteur en 1996 et surtout un spécialiste du «chamois des Pyrénées» faisant référence jusqu'à être surnommé «M. Isard».
545 animaux marqués et suivis de 1985 à 2015, publications dans des revues internationales et diplôme d'études supérieures universitaires pour l'ancien berger d'Ousté... dès 1985, cependant, un autre grand projet le taraude.
«En 1973, lorsque j'étais entré au Parc, pour moi le bouquetin des Pyrénées était éteint. Côté français, le dernier avait été tiré ici, près de Gaube en 1910», pointe-t-il du doigt. «Et puis au début des années 80, Bernard Clos a photographié les derniers bouquetins d'Ordesa, de l'autre côté de la frontière. Là, j'ai réalisé qu'une espèce qui devait être ici n'y était pas et même que je n'en avais jamais vu. J'ai suggéré sa réintroduction et en 1989, le directeur adjoint de l'époque m'a donné carte blanche pour aller observer le bouquetin en Espagne, voir le possible et le faisable.»
Seulement, il est déjà trop tard. Ne restent que trois Capra Pyrenaica Pyrenaica, la sous-espèce du bouquetin ibérique uniquement présente dans les Pyrénées, que l'Espagne ne parvient pas à sauver. Le 6 janvier 2000 l'extinction est officielle, avec la mort de Celia, dernière femelle tuée par la chute d'un arbre. «Un animal présent depuis 80 000 ans «effacé»... et c'est passé totalement inaperçu», constate Jean-Paul, encore choqué. Abandonner ? Discret, l'homme est aussi tenace. D'autres sous-espèces vivent et prospèrent ailleurs en Espagne, et ces bouquetins ibériques sont -scientifiquement- Capra Pyrenaica. Le problème ?
Sofia photographiée avec ses jumeaux par Jean-Paul Crampe. / Photo DDM, PNP
Trésor et secret
C'est que dans les autres massifs au sud des Pyrénées, l'animal est un trésor pour un pays où la chasse est marchande... Madrid résiste jusqu'en 2011, avant de donner son accord pour la réintroduction au nom de la biodiversité mais les régions qui ont l'exclusivité du bouquetin, elles, ne sont pas forcément pressées de fournir, même à 3.300€ le mâle... «Il a fallu convaincre les autonomies» : comprendre plus de deux décennies d'efforts, jusqu'aux sommets de l'état... pour qu'enfin, le 10 juillet 2014, les neuf premiers bouquetins soient relâchés «dans le plus grand secret», au dessus de Cauterets.
«Quand j'ai vu les cages s'ouvrir, j'ai mesuré le chemin parcouru». De la main, Jean-Paul repousse toute victoire personnelle : «Une incroyable aventure collective des deux côtés», préfère-t-il retenir. N'empêche. «Monsieur Bouquetin» : l'autre surnom qu'il en a hérité.
Arrivés en secret
Aujourd'hui, le Parc national des Pyrénées recense, de lâchers successifs en naissances de cabris, près d'une centaine de bouquetins dont 18 nés ce printemps, «une très bonne année», souligne Jean-Paul Crampe qui, en 2014, était loin d'imaginer ce succès.
Certains, dans deux grandes régions frontalières, étaient en effet si fermement opposés à ce que l'Espagne cède des bouquetins au parc français que, jusqu'à la dernière minute, le secret du transfert a été gardé afin d'éviter toute mauvaise surprise.
Publié le 10/08/2017 à 08:59 Pierre Challier
Germain, vautour opérateur…
Germain Besson, lors d'une opération de baguage de vautours, dans la falaise de Castet sur la réserve d'Ossau./ Photo DDM, Didier Peyrusqué PNP.
Les grands rapaces sont l'un des symboles forts du Parc national qui leur a offert une protection décisive, il y a 50 ans. Germain Besson fait partie de ceux qui veillent sur eux.
Les Alpes pour cadre de ses premières évasions montagnardes, une licence européenne «gestion des espaces naturels» en Haute-Savoie, le tout assorti d'un stage au Parc national de la Vanoise… Pour Germain Besson, 33 ans, la carrière de garde-moniteur aurait dû couler de source entre Arc et Isère… Mais «j'ai fait le choix des Pyrénées parce que je voulais découvrir autre chose, «la frontière sauvage», et parce que j'étais intéressé par les rapaces», précise-t-il, façon d'expliquer, en quelque sorte, cette absence d'accent, à Saint-Lary, au cœur de la vallée d'Aure.
Nouvelle génération
Regard bleu sur barbe taillée avec encore un soupçon de juvénilité étudiante dans l'allure sportive… Lorsque Germain résume son parcours, indirectement c'est aussi la nouvelle génération des gardes-moniteurs qu'il raconte. Cette évolution, en 50 ans, des autodidactes «inventeurs» du métier vers une profession désormais appuyée sur un socle universitaire. Mais pas moins physique qu'auparavant… sachant que garde-moniteur, ce sont des Everest de dénivelés cumulés en toute saison et une présence constante sur le terrain, pour ce qui le concerne le massif du Néouvielle et ses grands lacs, Barroude et son cirque ou le Rioumajou, incontournables pour les randonneurs du Parc.
10 000 couples nicheurs côté espagnol, 850 en France./ Photo DDM, Parc national des Pyrénées
«Ce qui fait l'intérêt du métier, c'est qu'on touche à tout, au suivi de l'évolution des paysages, de la faune, de la flore ou à l'éducation du public à l'environnement, quitte à faire parfois la police, lorsque nécessaire, quand les gens font du feu, cueillent ou viennent avec un chien, ce qui est interdit… Et ce, tout en étant aussi «référent» dans certains dossiers», résume-t-il.
Et lui, son truc, ce sont donc les rapaces… Cinq ou six couples d'aigles en vallée d'Aure, du milan royal, du grand-duc : même si ceux-là ne sont plus considérés en danger, il y a déjà là de quoi toujours garder un œil en l'air, de jour, de nuit. Mais c'est surtout une silhouette reconnaissable entre toutes avec sa queue en «pointe» qu'il guette : le gypaète barbu, «casseur d'os», ainsi qu'est appelé ce nécrophage versant sud des Pyrénées, rapport à son alimentation de charognard ultime puisqu'il avale os et tendons.
«On en dénombre quinze couples dans le Parc national et c'est le plus grand vautour d'Europe, le plus majestueux, le plus impressionnant par son envergure (2,90 m), sa prestance et le plus vulnérable, aussi», souligne-t-il, assurant son suivi dans le cadre du plan national d'action.
Prospection pour trouver les nouveaux nids et surveiller les «historiques» : rôle d'autant plus important du garde que le gypaète doit être protégé du dérangement, se reproduisant difficilement, rappelle Germain (lire encadré) qui ne lui voue pas pour autant l'exclusivité de son temps.
Le percnoptère d'Égypte, un oiseau qui ne manque pas d'allure, malgré sa drôle de tête./ Photo DDM, José Navarro
Percnoptère d'Égypte ou vautour fauve, qu'il va baguer dans les falaises de la réserve naturelle d'Ossau, en Béarn… «Grâce à cela, on a pu tracer depuis deux décennies leurs déplacements et observer, par exemple, que les vautours viennent se reproduire là où ils sont nés. Mais nos observations des nids dans le Parc nourrissent également une cartographie des aires actives en temps réel qui permet aux hélicoptères d'éviter les zones sensibles en période de nidification», explique-t-il.
Symboles de liberté, même protégés les grands rapaces restent fragiles et le gypaète leur emblème. à la naissance du Parc, il restait dix couples dans toute la France…
Vulnérable
Le gypaète barbu peut vivre jusqu'à 30 ans, mais ne se reproduit qu'à partir de 8-10 ans. Il ne pond qu'un seul œuf qu'il va couver 60 jours de janvier à mars. L'élevage du petit dure environ 130 jours mais, en moyenne, on ne compte à l'envol qu'un jeune tous les trois ans pour un couple. Cette vulnérabilité avait entraîné la disparition de l'oiseau dans les Alpes et dans la plupart des massifs méditerranéens, avant leur réintroduction. Dans les Pyrénées, l'espèce s'est toujours maintenue et l'on compte aujourd'hui une quarantaine de couples, versant français et environ 150 sur la chaîne.
Le chiffre : 9 Naissances > Gypaètes barbus. Les 15 couples de gypaètes barbus du PNP ont enregistré 9 naissances en 2017, année exceptionnelle. Pour les autres grands rapaces, le Parc recense 340 couples de vautour fauve, 32 couples d'aigles royaux et 22 de percnoptères d'égypte.
à suivre...
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