Grande guerre : Verdun, 21 février 1916
Publié le 21/02/2016 à 09:56 | La Dépêche du Midi |
Verdun : Il y a 100 ans, la mère des batailles
Verdun. Deux syllabes qu'aucun livre n'épuisera. éternel bourdon continuant à sonner le glas pour plus de 300000 morts. Verdun : qui un grand-père, qui un grand-oncle... Nom qui dit tout 14-18, jusqu'à se confondre avec la Première guerre mondiale depuis un siècle, pour des millions de Français. Mais dont chacun sait qu'il n'a jamais révélé l'incommunicable vécu par les soldats. Boyaux de terre et de chair mêlés de sang et de lisier humain, corps déchiquetés par des millions d'obus, asphyxiés par les gaz, là-bas, sur la cote 304, au Mort-Homme, dans le Bois des Caures, comme autour et dans les forts. Douaumont, Vaux, Souville…
«On ne passe pas !», «Courage ! On les aura !» : mots d'ordre absolu face à l'acharnement de l'offensive allemande. Via le “tourniquet” instauré par le général Pétain, les trois-quarts des régiments français, soit 2,5 millions d'hommes, défileraient ainsi sur la Voie Sacrée, entre le 21 février et le 18 décembre 1916, montant en ligne pour d'atroces combats dans cette poche de 20 km sur 4...
«Qui n'a pas fait Verdun n'a pas fait la guerre !», deviendrait d'ailleurs le leitmotiv des survivants, dès le début de la bataille. Celui qu'ils feraient invariablement rimer avec «enfer», plus tard, devant les leurs. Avant de se refermer. Façon de tendre un suaire de silence devant leurs morts et leurs cauchemars. Parce que l'horreur ne pouvait se confier qu'entre pairs, sauf à s'appeler Giono ou Barthas et inlassablement militer contre la barbarie, pour la paix.
Verdun ? C'était donc il y a 100 ans, jour pour jour, lorsque les canons, les avions et les fusils les plus modernes de deux peuples – chacun convaincu d'être l'universel représentant du progrès et de la civilisation – ravalèrent l'homme en deçà de l'animalité en le jetant dans cette fournaise : la mère des batailles du XXe siècle.
La guerre «courte», «fraîche et joyeuse» promise aux combattants durait maintenant depuis un an et demi. Le front s'était figé dans la boue et le froid. Sur la carte du commandant en chef allemand Erich von Falkenhayn, la victoire ne se jouerait pas à l'Est contre les Russes. Tandis qu'à l'Ouest, Français et Anglais attaqueraient au printemps. Mener l'offensive décisive avant, pour contraindre les premiers à signer une paix séparée...
Joffre avait négligé et dégarni la défense du saillant de Verdun et de ses forts sur la rive la droite de la Meuse, à 30 km de la frontière héritée du désastre de 1870. Falkenhayn y aligna une armée, 72 bataillons et 1407 canons. La mort méthodiquement industrialisée, de l'enlisement à l'ensevelissement.
«Je ne sais pas comment ils ont tenu», s'interroge encore un arrière-petit-fils de poilu qui enfile régulièrement l'uniforme bleu horizon pour rendre hommage à ces hommes et répéter aux jeunes générations «plus jamais ça»...
Publié le 21/02/2016 à 09:56 | La Dépêche du Midi | Recueilli par P.C.
Antoine Prost, Président du Conseil scientifique de la Mission Centenaire :
«Les morts de Verdun parlent à toute l'Europe»
Devant l'Ossuaire de Douaumont / Photo DDM
Pourquoi la bataille de Verdun tient-elle une place si importante dans l'imaginaire français ?
Dès son commencement, cette bataille a immédiatement occupé un espace considérable dans la conscience nationale car les Français ont eu très peur. Les Allemands n'avaient pas attaqué depuis la Marne, les Alliés avaient l'initiative et soudain, arrive cette attaque brutale, massive sur ce secteur tranquille, mal préparé et renforcé dans l'urgence, puisque Joffre pensait qu'une offensive y était inimaginable vu la nature mouvementée du terrain. Or dès les premiers jours, les Allemands avancent de 6 à 8 km, prennent sans combat Douaumont, juste gardé par une cinquantaine de vieux soldats. Bref, à Verdun, les Français ont eu très peur de perdre la guerre.
L'enjeu est donc immense comme l'anxiété, chez tout le monde. Alors inconnu, Pétain arrive le 25 février et les Français prennent une décision fondatrice : se battre sur la rive droite de la Meuse alors qu'ils auraient pu prudemment se replier sur la rive gauche : ils relèvent le défi allemand en disant «on ne passe pas !» et Verdun devient alors le symbole même de la résistance française, du courage du citoyen-soldat, du poilu, dans ce conflit.
Est-ce un tournant décisif de la guerre ?
Non. Ce n'est décisif que du point de vue symbolique, dans la construction de la mémoire de la guerre mais militairement parlant, les Allemands, pourtant à trois contre un, n'avaient pas les troupes nécessaires pour exploiter la brèche. Ils auraient pu gagner s'ils avaient attaqué le 12 février comme ils l'avaient initialement prévu, mais la météo les en a empêchés et les Français ont mis à profit les quelques jours du 12 au 21 pour renforcer leurs défenses et rapprocher des réserves.
Verdun marque un tournant important, néanmoins…
Oui : celui de l'escalade. Les conclusions tragiques qu'en tireront Falkenhayn comme Joffre et d'autres, c'est qu'on n'aura pas bombardé assez fort ni envoyé assez de troupes… De fait, Verdun n'a pas été la bataille la plus meurtrière de la guerre, même si elle a tué 143 000 Allemands et 163 000 Français. En 1916, c'est certes la pire par rapport à celles qui l'ont précédée… mais pas par rapport à celles qui vont lui succéder. La Somme et le Chemin des Dames tueront proportionnellement plus. Mon ami Gerd Krumeich avec qui je viens d'écrire la première histoire franco-allemande de la bataille (1), a cependant déconstruit la «légende» propagée par Falkenhayn après guerre : ce dernier a affirmé avoir voulu saigner l'armée française à Verdun, mais c'était pour se dédouaner d'avoir échoué, d'avoir sous-estimé les Français car il pensait bien obtenir là une victoire rapide et décisive.
Cent ans après, quel est le message de Verdun pour les générations d'aujourd'hui ?
Le message de Verdun a été complètement transformé par la poignée de main de Mitterrand à Kohl en 1984. Douaumont et la nécropole étaient au cœur de la nation. Les restes des soldats allemands dans l'ossuaire, c'était un sujet quasiment tabou. Le geste initié par Mitterrand a fait basculer le sens de Verdun : en fait, les soldats de tous les camps étaient passés du statut de héros à celui de victimes. Aujourd'hui, ce symbole de réconciliation franco-allemande va même au-delà : les morts de Verdun ne parlent plus seulement à la France et à l'Allemagne, ils parlent à l'Europe de la futilité de toutes les guerres et la mettent en gardent contre tous les nationalismes toujours présents.
(1) Verdun 1916, une histoire franco-allemande de la bataille, chez Tallandier.
Publié le 21/02/2016 à 08:36 | La Dépêche du Midi | Sébastien Bouchereau
Alexandre Lafon : «Verdun, une guerre dans la guerre»
Alexandre Lafon avait, lors deses nombreuses recherches historiques, retrouvé des images prises par un Poilu lot-et-garonnais./ Photo DR
Ancien professeur d'histoire au lycée Palissy d'Agen, Alexandre Lafon sera ce matin aux célébrations du 100e anniversaire de la bataille de Verdun, dans la Meuse.
Ce dimanche 21 février 2016, la France célèbre le 100e anniversaire du déclenchement de la bataille de Verdun, durant la Première Guerre mondiale. Entre février et décembre 1916, elle aura fait plus de 700 000 victimes côtés français et allemands, en comptant les morts, les blessés et les disparus. Verdun est un mythe, symbolise le sacrifice de nos Poilus, et toute la France a été concernée. Stopper les Allemands à Verdun c'était protéger la France, et deux tiers des régiments sont allés combattre au bord de la Meuse en 1916.
Une grande partie des survivants, en 1918, a ramené à la maison des souvenirs de Verdun. C'est évidemment le cas en Lot-et-Garonne, dont plusieurs unités ont combattu là-bas. A Agen, le 9e Régiment d'infanterie, le 209e, ainsi que le 18e Régiment d'artillerie avaient ainsi inscrit «Verdun» sur leurs drapeaux...
«Verdun, c'est une guerre dans la guerre, explique Alexandre Lafon. Dans les carnets et correspondances qu'ont laissés les Poilus, on découvre un véritable enfer, des combats de trou d'obus à trou d'obus, le froid, la boue, la difficulté de trouver de l'eau pour boire, et plus que tout les bombardements.»
L'orage d'acier – ainsi décrit côté allemand par Ernst Jünger – marquera les esprits, parfois jusqu'à la folie, et Verdun deviendra dans l'imaginaire collectif le symbole du sacrifice suprême. «Les combats seront très durs jusqu'en 1918, ajoute Alexandre Lafon, mais Verdun reste unique. Entre Poilus, après 1918, qui n'avait pas fait Verdun n'avait pas fait la guerre…»
Cet écrasement mémoriel est toutefois à relativiser. Il y eut plus de morts côté français en 1914 qu'en 1916. Mais c'est à Verdun que la France a notamment gagné sa guerre, d'où cette page écrite en lettres d'or dans le roman de France.
Agen et le Lot-et-Garonne ont participé à ce sacrifice collectif. L'ossuaire de Douaumont renferme par exemple les restes de soldats du 20e RI de Marmande, et sur ce même ossuaire on trouve l'écusson de la ville d'Agen, qui avait participé au financement de son élévation.
Et de nombreuses familles du département gardent, dans des malles et des tiroirs, les souvenirs d'une histoire glorieuse, mais ô combien douloureuse.
Sélection d'articles réalisée à partir du site : http://www.ladepeche.fr
Bataille de Verdun / Illustrations CPA
Long format DDM "Verdun, cent ans après" :
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