Nouvelle grande région : le casse-tête de l'harmonisation

29/1/2016

Publié le 22/01/2016 à 07:47  | La Dépêche du Midi |  Dossier Daniel Hourquebie et Jean-Marie Decorse

Nouvelle grande région : le casse-tête de l'harmonisation


L'hôtel de Région à Toulouse / Photo DDM

La fusion des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon doit se traduire concrètement par de très nombreux chantiers d'harmonisation qui s'apparentent parfois à un véritable casse-tête. Eclairages.

La fusion des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon est effective depuis le 1er janvier 2016. Mais au niveau de l'institution comme sur le terrain, il est clair qu'un aussi immense chantier ne se réalisera pas d'un coup de baguette magique. Les deux ex-grandes régions ont peut-être plusieurs siècles d'histoire commune, mais ce long compagnonnage qui constitue une vraie richesse pour le vivre ensemble demain, donne peu de recette aux nouveaux élus pour résoudre les problèmes concrets – innombrables – qui se posent au XXIe siècle dans les différents domaines de compétences des régions fusionnées.

Questions très concrètes
Nous en donnons quelques exemples non exhaustifs (ci-dessous) qui montrent la variété des chantiers en cours, développement économique, politique ferroviaire, formation professionnelle, jeunesse (sans parler du futur nom de la grande région)… Il va falloir harmoniser les politiques régionales (plus de 600 recensées !) des deux ex- «gouvernements» régionaux, certes tous les deux ancrés à gauche – et donc partageant la même conception de l'action publique – mais dont les modalités d'action ont été forcément différentes sur le terrain.

Le plus souvent, il s'agit de questions concrètes qui intéressent directement les citoyens : quelle harmonisation pour la carte jeune ? Quelle harmonisation tarifaire pour le rail et notamment quid du fameux TER à 1 euro, institué par Languedoc-Roussillon ? Même s'il ne constitue pas un élément structurel de la politique ferroviaire, c'est devenu un élément emblématique des enjeux de l'harmonisation des politiques régionales.


Réparttion des services entre Toulouse et Montpellier / DDM

Faut-il cependant tout harmoniser et tout de suite ? Pas toujours. Les deux contrats de plan Etat-Région, majeur pour le développement du territoire, qui ont été négociés séparément, iront jusqu'à leur terme, avant une renégociation globale. De même les deux conventions signées par les deux ex-régions autonomes avec la SNCF rouleront jusqu'au 1er janvier 2017, date fixée pour la signature d'une convention commune. En revanche, on imagine que l'harmonisation de la politique originale tarifaire pour les TER devra être réglée rapidement. Et personne ne comprendrait que la politique du transport scolaire (nouvelle compétence de la région) ou de l'équipement informatique des lycéens ne soient pas tranchées pour la rentrée de septembre 2016. Face à des chantiers inédits, on retrouve donc des solutions à la carte suivant l'urgence : «On avance en marchant», dit-on volontiers dans les coulisses du pouvoir régional.

Harmoniser… ou innover
L'idéal serait évidemment de tout harmoniser «par le haut». C'est-à-dire garder tout ce qu'il y a de mieux pour les citoyens pris dans chaque politique régionale.
Mais si la nouvelle équipe manifeste enthousiasme et volontarisme (normal, après le mariage, la lune de miel) dans la lignée de ses prédécesseurs, elle doit aussi organiser le nouveau ménage… et compter avec les contraintes budgétaires prégnantes qui pèsent sur les choix des nouveaux mariés.

Tout le monde sait que la clé des mariages réussis, c'est précisément l'harmonie. Et aussi l'imagination : «On ne s'interdit pas de faire du neuf, de proposer de nouvelles stratégies», explique-t-on au conseil régional.


Publié le 22/01/2016 à 07:29  | La Dépêche du Midi |

Nouvelle grande région : Les 10 grands chantiers à mener


/ Photo illustration DDM

Contrat de plan Etat-région

Les aménagements routiers au coeur du CPER / Photo illustration DDM

Le Contrat de plan Etat-Région (CPER) est le fil conducteur du développement régional, un outil majeur de planification, c'est donc un grand paquebot qui intègre des échéances et ne peut être zappé en cours de route. Or, les deux ex-régions avaient signé un CPER pour leur propre compte et avec leurs priorités négociées. Que faire dans le cadre de la nouvelle région fusionnée ? Pas question de jeter le bébé des CPER avec l'eau du bain de la fusion : «Il ne peut être envisagé de remettre en cause les grandes priorités et orientations de ces deux contrats dès fin 2016 ou début 2017, avait préalablement indiqué Damien Alary, alors président de la région Languedoc-Roussillon et Martin Malvy, son homologue de Midi-Pyrénées. Les deux régions ont donc souhaité indiquer dans leur CPER, d'un commun accord, que «les engagements pris initialement seraient respectés dans le cadre du contrat unique» qui viendra à une échéance encore non fixée.

En attendant, précise la Région «la révision des CPER sera engagée d'ici fin 2016» pour préparer le futur contrat unique «qui fixera un cadre formel pour la convergence des politiques contractualisées».

Carte grise : le prix du cheval fiscal


Le prix de la carte grise diffère actuellement d'une ancienne région à l'autre / /Photo illustration DDM, Jean-Marie Lamboley

Le conseil régional Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées va-t-il conserver son cheval fiscal au même tarif que celui de 2015 ? La question se pose avec acuité, même si le coût de la carte grise n'est pas seulement soumis à la fiscalité régionale, car le prix de la carte grise, fixé par les les élus régionaux, diffère d'une ancienne région à l'autre : 34 euros par cheval en Midi-Pyrénées (il est divisé par deux si le véhicule a plus de 10 ans), le taux le plus faible de France, mais 44 euros le cheval en Languedoc-Roussillon.

Pour le moment, la loi de finances prévoit que ces taux soient maintenus à leur valeur actuelle dans les deux territoires. Les Régions ont jusqu'au 31 mai 2016, date à laquelle les budgets doivent être finalisés, pour décider d'un changement de braquet en matière de cheval fiscal. Harmonisation ou harmonisation progressive ?
Fin mai, deux options se présenteront aux élus de la nouvelle région : soit définir un taux identique sur l'ensemble du territoire fusionné qui s'appliquera en janvier 2017. Soit, prévoir un dispositif progressif, qui peut s'échelonner sur 5 ans».

Formation professionnelle


Le centre de formation des apprentis interprofessionnel de Lézignan-Corbières / Photo illustration DDM

Carole Delga a été reçue par Manuel Valls, avec l'ensemble des présidents de région, pour réfléchir au plan des 500 000 formations annoncées par le président de la République. Un chiffre qui, au-delà des effets d'annonce, implique un changement de braquet sur une des principales compétences des Régions... qui ne sauraient cependant être laissées seules face au financement de cet immense chantier. En attendant la fumée blanche, le site régional Midi-Pyrénées indique prudemment : «Les Régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées forment une seule Région depuis le 1er janvier 2016. L'harmonisation des politiques régionales est en cours. 
Pendant cette période transitoire, les dispositifs ci-dessous concernent les seuls départements de l'ancienne région Midi-Pyrénées». Une remarque qui pourrait s'appliquer à de nombreux domaines et qui a le mérite d'illustrer les incertitudes de la période. «Un chantier sera mené sur l'harmonisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle et des indemnités de transport», précise cependant la Région. Des questions concrètes qui intéressent directement les stagiaires.

Emploi et aides aux entreprises

Soutien à l'innovation pour entraîner le tissu industriel vers les marchés de demain / Photo DDM illustration, Nathalie Saint-Affre

Il sera difficile pour la grande Région de faire mieux que Midi-Pyrénées en matière de développement économique. Midi-Pyrénées et Bpifrance Midi-Pyrénées ont développé avec leurs partenaires des solutions pour soutenir les projets d'entreprises les plus risqués : création, reprise ou croissance externe, développement par l'innovation, conquête de nouveaux marchés en France ou à l'international... La Région a également conçu des contrats d'appui adaptés aux besoins des structures : TPE artisanat, PME, Innovation, grandes entreprises… pour conforter les dynamiques dans les bassins d'emplois. Il y a tout juste un an, Martin Malvy lançait Madeeli, agence régionale d'innovation et de développement économique.De son côté, Languedoc-Roussillon a adopté, fin 2013, son Schéma régional de développement économique. Le SRDE fixe, d'ici 2020, les orientations de la politique économique de la Région.

Autant de structures qui ne pourront se surajouter et devront apprendre à jouer la complémentarité ou à fusionner dans de super-instances à compétences élargies.

Europe et agriculture

L'agroalimentaire pilier de l'économie régionale / Photo illustration DDM, M. C.

Le monde rural sera très attentif aux programmes d'aides régionales en matière de politique agricole, qui conditionne aussi les aides de Bruxelles, les stratégies de cohésion territoriale ayant une incidence sur le type de projets financés. Avec une enveloppe de 1,3 milliard d'euros représentant près de 2 milliards d'euros d'aides publiques totales, le programme de développement rural (Feader) attribué à Midi-Pyrénées constitue la plus importante enveloppe nationale pour la période 2014-2020.

Le Languedoc est moins bien loti, le montant alloué étant de 600 000 euros. La gestion des fonds européens (Feder, FSE, Feader) étant désormais attribuée aux Régions, les agriculteurs vont surveiller de près la ventilation de ces aides. Quelles orientations seront choisies par le nouvel exécutif ? Les fonds du Feader devront-ils s'effacer en partie devant d'autres priorités ? N'oublions que, dans la nouvelle grande Région, agriculture et agroalimentaire représentent 164 000 emplois et un chiffre d'affaires de 13,7 milliards. C'est donc le pilier de l'économie devant le tourisme (11,5 milliards) et l'aéronautique (7,5 milliards).

Ressources humaines


/ Photo illustration DDM

La fusion des régions a suscité de nombreuses inquiétudes parmi les personnels des deux régions en terme de statut, de salaires et aussi de mobilité.
L'objectif fixé par la loi est une harmonisation au 31 décembre 2017, concernant les salaires et les actions sociales. Depuis un an, les services de la Direction des ressources humaines ont partagé avec les organisations syndicales, l'état des lieux des conditions sociales des agents de la Région. Parmi les points délicats à traiter, on retrouve notamment l'harmonisation des régimes indemnitaires.

Parmi les chantiers engagés, la mobilité des Agents régionaux des lycées (ARL), pour la rentrée 2016. Tous ces agents pourront désormais candidater aux opportunités ouvertes sur l'ensemble du nouveau territoire. Une certitude : compte tenu de l'ampleur des chantiers, la mobilisation -et donc la motivation- des personnels est un gage de réussite.

Jeunesse, lycées et ordinateurs

La Région s'est lancée dans d'importants travaux dans les lycées ./ Photo illustration DDM, J.-L.B.

Pour la jeunesse, les Régions sont souvent en première ligne en terme de compétences : lycées, orientation, formation, qualification, mobilité, création d'écoles de la 2e chance... Bien sûr, les deux grandes régions ne partent pas de rien, elles ont travaillé. Mais, là encore, il faudra harmoniser et faire des choix. Parmi les plus emblématiques, la politique d'équipement informatique des jeunes lycéens et apprentis. En Languedoc-Roussillon, elle est gratuite pour tous, modestes et riches. En Midi-Pyrénées, elle est sous condition d e ressources, en fonction d u quotient familial, et le coût pour les familles varie de 25 à 400 euros. On fait quoi à la rentrée 2016 ? Egalement très populaire, la carte jeune qui bénéficie aux lycéens et apprentis sous une forme originale en Midi-Pyrénées, une carte unique qui regroupe les différentes aides dela Région (accès à la lecture, aux transports, aux équipements sportifs. etc...) En Languedoc-Roussillon, ces aides étaient jusqu'à présent éclatées. Etude en cours. Quant au schéma régional de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation, il devrait être élaboréd'ici fin 2016.

Politique de la ville et du logement


/ Photo illustration DDM, T. Pons

Voilà un point très important de la politique régionale qui a fait l'objet d'un examen anticipé par les deux ex-exécutifs régionaux. Le protocole commun pour la politique de la ville a en effet été présenté en juin dernier lors d'une séance plénière. Le cadre : 105 quartiers prioritaires ont été retenus (60 en Languedoc-Roussillon, 45 en Midi-Pyrénées) lors du décret paru en décembre 2014. Et ce n'est pas du luxe à la lumière des dernières statistiques fournies par l'Insee (notre édition du 20 janvier) notamment en Languedoc-Roussillon...

«Nous avons décidé de leur consacrer 10 % des crédits Feder (fonds européen), deux fois plus que ce qu'exigeait l'Europe. Il s'agit d'harmoniser les dispositifs, en les alignant pratiquement sur ceux de Midi-Pyrénées, notamment dans le secteur réhabilitation, accessibilité et isolation thermique», avait alors indiqué le président Malvy.

Transports scolaires

/ Photo illustration DDM

Véritable casse-tête pour la Région qui hérite d'une nouvelle compétence : celle des transports scolaires dévolue jusqu'alors aux départements devenus très pointus sur la question. Carole Delga qui était contre cette décision, n'a pas manqué de le dire au Premier ministre. Elle en déléguera donc sagement l'organisation aux départements, à des syndicats mixtes ou des intercommunalités, s'agissant d'un transport «au porte-à-porte» qui doit tenir compte des spécificités de chaque zone, notamment en milieu rural. 

En revanche, la tarification, elle, devrait être chapeautée par la Région avec une exigence d'équité territoriale... et avec la question de la gratuité ou pas comme la pratique le département de Haute-Garonne. Il est question aussi de mutualiser le transport scolaire pour faire baisser les coûts. Dans l'Hérault, les bus scolaires assurent aussi d'autres liaisons...

Politique du rail et des Ter

/ Photo illustration DDM

Les deux régions en étaient convenues en juin 2015 : une nouvelle convention avec la SNCF verra le jour à partir du 1er janvier 2017. Elle décidera à la fois de l'organisation et de la tarification du transport par rail dans la nouvelle grande région. Il s'agit bien de bâtir un schéma régional des transports cohérent et ambitieux. Entre le train à 1 € pour le Languedoc-Roussillon et le ticket Mouv' pour Midi-Pyrénées, les offres de transport sont totalement différentes. Alors, Midi-Pyrénées emboîtera-t-elle le pas du Languedoc-Roussillon dans ce qui n'est plus considéré comme un gadget ?

Le billet à 1 € sur le réseau TER, tarif très avantageux qui ne joue qu'à certaines conditions (billets achetés sur le net, et à condition qu'il y ait des places disponibles hors abonnés), pas très apprécié au début par la SNCF, s'est néanmoins traduit par une fréquentation en hausse dans des trains qui, jusqu'alors, roulaient à vide à certaines heures. Alors, étendre le TER à 1 euro à Midi-Pyrénées ? Carole Delga n'est pas contre. Elle trouve même le dispositif intéressant. Reste à évaluer son coût en le replaçant dans une politique globale du transport ferroviaire.

/ Photo DDM, Michel Viala

Sélection d'articles réalisée à partir du site : http://www.ladepeche.fr

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