Trente Glorieuses : Toulouse transfigurée ou défigurée ?

6/1/2016

Publié le 06/12/2015 à 06:13  | La Dépêche du Midi |  Pierre Mathieu

Trente Glorieuses : Toulouse transfigurée ou défigurée ?

Le nouveau visage de Toulouse en carte postale Iris : la dalle de Bellefontaine, quartier du Mirail, à la fin des années 70, démolie depuis. / Photo DDM

Curieux mélange entre passé empreint de ruralité et modernisme d'une nouvelle vie citadine, Toulouse a été bousculée durant les Trente Glorieuses. Elle en porte encore la marque.

Cachez ce béton que Toulouse ne saurait voir ! Aujourd'hui, pour coller à l'image de Ville rose, les nouvelles constructions sont fréquemment parées de briquettes. Mais lors de son essor économique, de l'après-guerre aux années 70, la ville a aussi vu pousser des immeubles, des usines et des équipements qui rompaient avec la tradition. «Les Trente Glorieuses» imposaient l'image du progrès, ouvraient grandes des brèches pour la voiture (les allées Jean-Jaurès) et multipliaient les étages. «Aujourd'hui, tes buildings grimpent haut», chante Nougaro en 1967, au plus fort des constructions.



La halle octogonale au dôme d'ardoises du marché des Carmes ? Jetée à terre. Même chose pour la halle Victor-Hugo, qui laissera la place à un immeuble blanc hérissé de compartiments de béton. Cinquante ans plus tard, parés des vertus du vintage, on les regarderait avec admiration.

500 bâtiments en 30 ans !
En ouvrant une collection «au temps des Trente Glorieuses»*, les éditions toulousaines Loubatières classent le progrès au rayon de la nostalgie. Son rédacteur, l'historien Rémy Pech qui présida l'université du Mirail (construite au début des années 70) rappelle qu'entre 1946 et 1975, «Toulouse gagne près de 110 000 habitants ; la vie quotidienne change profondément, les grands magasins supplantent les boutiques de quartier, on se presse à la foire internationale...». Le quartier du Mirail sortira bientôt de terre. Symbole de la Toulouse moderne, il en est éloigné : les bus 12 et 148 le relient péniblement en attendant l'arrivée du métro, en 1990, alors que la crise s'est installée durablement.



Chargé d'un inventaire de l'architecture du siècle dernier en Midi-Pyrénées, l'architecte Rémi Papillault a recensé 693 bâtiments construits à Toulouse, dont 500 pour les seules Trente Glorieuses.
«C'est une période très riche, où des agences remarquées marient le béton aux matériaux traditionnels de la région, la brique et les galets», note l'architecte, citant les immeubles de Gardia et Zavagno, boulevard des Récollets ou l'école de la rue de la chaussée, signée Pierre Debeaux. Cette dernière se fait discrète, dans la continuité urbaine.



«Entre 1946 et 1975, Toulouse gagne 110 000 habitants, la vie change profondément»
Nettement plus visibles sont la résidence de la Comtale aux terrasses étagées, près de la gare, le Belvédère aux Récollets ou les premières HLM bien pensées (par Armandary) à Empalot. Il y a aussi le magasin Perry, place Esquirol, qui alterne vitres et panneaux pleins en façade d'un temple de la lingerie.
Perry, en cours de fermeture, est entré dans le paysage, comme le Monoprix de De Noyers et Le Maresquier, mais l'immeuble Citroën boulevard d'Arcole (actuellement Decathlon) a toujours ses détracteurs. Il est pourtant «un des plus beaux de la période», estime l'architecte.

Toulouse défigurée ou transfigurée ? «Le même bâtiment peut faire les deux !» prévient Rémi Papillault. Les Trente Glorieuses ne le sont pas pour tout le monde. Les éditions Loubatières, qui lui consacrent tout un album ont orné la couverture de leur principale victime : le marché des Carmes, construit par Galinier en 1892.



Il a inventé les 30 glorieuses
Son nom est oublié du grand public, mais pas l'expression qu'il a inventé. L'économiste Jean Fourastié (1907-1990) avait passé son adolescence au village de Douelle, près de Cahors. Il en a fait des années plus tard son sujet d'étude : pour montrer l'arrivée du modernisme en France, il observe les changements survenus dans cette commune entre 1946 et 1979, période qu'il baptise de l'expression devenue fameuse des «trente glorieuses».

*Toulouse au temps des Trente Glorieuses, textes de Rémy Pech, éd. Loubatières, 109 pages, 25 €



 
Publié le 10/11/2014 à 08:27  | La Dépêche du Midi |  J.-M. L.S.

Souvenirs de Toulouse et des trente glorieuses


Fête Saint-Michel. /Photo DDM, Dieuzaide

«En ce temps-là, on avait sa couturière et son livreur de charbon à domicile. Un poêle à bois ronflait au milieu de la classe et les élèves de Fermat jouaient au foot dans la cour du cloître en ruine. Les adolescents flirtaient derrière la rocaille de la Municipale et allaient danser le twist à l'Ubu. Quant aux cinémas, on y fumait tellement qu'on avait du mal à voir l'écran…»

Bernadette Costa-Prades introduit ainsi «Je me souviens de Toulouse», livre pittoresque qui s'amuse à réunir les «histoires minuscules» de la Ville rose durant les Trente glorieuses. Des témoins d'alors évoquent les jeux d'enfants, les fêtes entre copains, les villages dans la ville, le rôle moteur des différentes immigrations, la passion bel canto et la ferveur stadiste. Les textes sont courts et remontent le temps avec bonheur. Et ce livre d'allure modeste se déguste généreusement grâce à la multitude de photographies noir et blanc qui l'illustrent, principalement signées Jean Dieuzaide ou extraites des Archives municipales. Qu'il est doux de retrouver le bal du 14-Juillet 1950 et ses chastes slows, la place Esquirol sous la neige, les éclats de rire de la vieille fête Saint-Michel, la magnifique halle des Carmes…

«Je me souviens de Toulouse» (Les Beaux jours, 110 pages, 23 €). 


Publié le 11/11/2013 à 09:22  | La Dépêche du Midi |  Philippe Emery

13 villas pour 30 glorieuses


Toits terrasses, larges baies vitrées, béton brut, ces villas (ici la villa Chanfreau) de près d'un demi-siècle d'âge anticipaient sur les canons d'aujourd'hui (continuité et redistribution des espaces)./Photo DDM, DR

Le Mirail de Candilis, la Cité radieuse de Le Corbusier… L’architecture de l’après-guerre est souvent réduite, à Toulouse comme ailleurs, aux grands ensembles, aux villes nouvelles et aux tours de béton.

Pourtant, ces Trente Glorieuses, ouvertes en 1945 et refermées vers 1975, ne se résument pas au logement collectif et aux bâtiments publics. Jean-Loup Marfaing et Rémi Papillault, architectes toulousains, le montrent bien en s’attachant, dans leur livre («Du modernisme au brutalisme, 13 villas à l’épreuve du temps », ed. Presses Universitaires du Mirail), à 13 villas remarquables construites entre 1955 et 1975 dans et autour de l’agglomération toulousaine.


Ah ! la liesse des supporters (Stadium le 16 mai 1965) ./Photo DDM, André Cros 

«On aurait pu en montrer une vingtaine voire plus, note Rémi Papillault, on a restreint à ce qui nous apparaissait comme majeur dans la dimension de l’expérimentation», relève cet architecte du patrimoine, également professeur à l’école nationale supérieure d’architecture de Toulouse.

«Cette période a été une grande période de construction», poursuit Rémi Papillault, après la Libération puis avec l’accueil des pieds-noirs d’Algérie. «La villa a été un lieu d’expérimentation peut-être plus puissant que les grands programmes, car les propriétaires de ces villas ont donné véritablement carte blanche à de jeunes architectes toulousains», poursuit l’auteur toulousain.

Qu’est-ce qui caractérise et relie ces villas entre elles, sachant que chacune a été imaginée et conçue en tenant compte de son environnement et des désirs particuliers de ses propriétaires.


Le bal du 14-Juillet 1950, place du Capitole./Photo DDM, Jean Dieuzaide

«C’est une architecture d’espace, la plus magistrale et ouverte possible», selon Rémi Papillault. D’où ces grandes ouvertures, ces liens entre le dedans et le dehors, ces perspectives allant de la cheminée-foyer centrale aux vues sur les Pyrénées, au travers de larges baies vitrées ou de terrasses.

Les matériaux aussi font dénominateur commun : béton brut, bien sûr, mais aussi clin d’œil local : brique épaisse, tuiles, galets. L’industrie briquetière toulousaine a même dessiné de nouvelles formes de briques pour répondre à la demande des architectes.

Le recours aux claustras amène ombre et élément décoratif. Les toits-terrasses, souvent recouverts de verdure, permettent d’insérer le bâtiment dans son environnement naturel. Le refus est clair des plâtres, enduits et autres décors bourgeois du XIXe siècle. Inspirés par le modernisme de Le Corbusier, ces architectes toulousains qui furent membres pour la plupart de son équipe pour le concours du Mirail (Candilis leur a été finalement préféré) ont su aussi s’en démarquer pour développer une véritable école toulousaine.

La piscine Nakache dans les années 80 ./Photo DDM,Claude Nori

Rémi Papillault est aussi architecte du patrimoine. Il a été chargé par la Drac d’inventorier les bâtiments les plus remarquables du XXe siècle en Midi-Pyrénées en vue d’un classement ou d’une protection éventuelle. Un millier d’immeubles, monuments et maisons seraient susceptible de figurer sur sa liste, dont il doit présenter une première mouture à la Drac début décembre.

Jean-Loup Marfaing, architecte et historien, délégué à la culture au CAUE 31, est l’auteur de nombreux ouvrages et notamment les très remarquables «Toulouse, les années 1950-1960» et «Toulouse 45-75, la ville mise à jour» (Nouvelles éd. loubatières), qui évoquent aussi cette période des Trente Glorieuses à Toulouse.

Une suite au livre de Marfaing et Papillault est envisagée, cette fois sur les immeubles remarquables de cette période aux mêmes Presses Universitaires du Mirail.


Publié le 29/10/2009 à 09:08  | La Dépêche du Midi | Philippe Emery

Les 30 glorieuses de l'architecture de la ville rose


Les années 45-75 ont marqué le passage de la Ville rose au rang de métropole. Un livre et une expo reviennent sur une modernité contrastée./ Photo DDM

Le pointeur est accroupi, béret vissé sur la tête. La cravate est rangée sous la chemise blanche. Le bouliste, concentré, a tombé la veste. De dos, près du but, son compère, ou adversaire, porte casquette et gilet sans manche, et chaussettes sous les sandales qui foulent la poussière des allées Jean-Jaurès. Un spectateur fume la pipe et se tient le menton, « penseur de Rodin » du XXe siècle. D'autres arborent des chapeaux plus bourgeois.

À lui seul, ce cliché signé Jean Dieuzaide, tiré du livre « Toulouse 45-75, la ville mise à jour » (1), résume bien les fameuses « trente glorieuses » au cœur de l'ouvrage. Trente années d'après-guerre marquées par un formidable essor économique et urbain, la mutation de Toulouse en métropole régionale.

Un monde résiste, un monde change. La partie de pétanque à Marengo, c'est du Pagnol sur le chantier des futurs Champs-Élysées toulousains, dernier grain de sable sur la voie royale de la bagnole et du réfrigérateur. Un film de Jacques Tati au pied d'une de ces « quilles » élevées pour loger, « avec tout le confort moderne », les enfants du baby-boom et les pieds-noirs de retour.

Matin place du Capitole, Toulouse 1961 / Photo DDM, Jean Dieuzaide

« Aujourd'hui, il y a une désaffection générale pour l'architecture de cette période, liée à un renversement idéologique : de l'adhésion à la modernité, totale alors, on est passé à la remise en cause de 68 et à la crise du pétrole en 73 », note Jean-Loup Marfaing.

L'architecte et historien du CAUE 31 a dirigé la réalisation de l'ouvrage. Une somme qui réhabilite une période où la Toulouse moderne s'est construite, avant de se figer sur son centre historique. Dans le sillage du Corbusier, Candilis lance un Mirail hors normes, des architectes toulousains innovants, liés à des promoteurs entreprenants et à des édiles plus ou moins dans le mouvement (les 3B, Badiou, Bazerque et Pierre Baudis) créent de nouveaux quartiers (Empalot, Bagatelle, Roguet), des barres et des villas « cubes », des hypers, des grands magasins et des stations-service, des marchés parkings (Victor-Hugo, Carmes), le Min de Lalande, la Cité administrative, le Belvédère, des universités (Droit, Lettres au Mirail, Sciences à Rangueil), des écoles et des églises, un monument à la Résistance cité dans la Pravda, des casernes et des hôpitaux…

Tout n'a pas bien vieilli, tout n'est pas non plus à jeter. Au contraire.

1- 600e livre des (Nouvelles) Éditions Loubatières. À voir, l'exposition sur le même thème abritée par le Cmav (5, rue St-Pantaléon-M° Capitole).

Sélection d'articles réalisée à partir du site : http://www.ladepeche.fr
 
 

Partagez sur les réseaux sociaux

Catégories

Autres publications pouvant vous intéresser :

Commentaires :

Laisser un commentaire
Aucun commentaire n'a été laissé pour le moment... Soyez le premier !
 



Créer un site
Créer un site