Un an après la crue, les sinistrés du Comminges se sentent oubliés

10/6/2014

Publié le 08/06/2014 à 08:04 | La Dépêche du Midi | Jean-Christophe Thomas et Cyril Doumergue
 
Un an après la crue, les sinistrés du Comminges se sentent oubliés

Saint-Béat, une semaine après la crue qui avait dévasté le village. / Archives DDM, Xavier de Fenoyl

Un an après, les crues de la Garonne dans les secteurs de Saint-Béat et de Luchon ont laissé des traces encore visibles. Et du travail reste à faire. Les habitants restent mobilisés.

Le choc a eu lieu le 18 juin 2013. L'émotion s'est prolongée durant de longues heures, de longs jours. Le nettoyage s'est déroulé pendant des semaines. Puis vint le temps de la colère. Le Président de la République, des ministres, les plus hauts responsables se sont succédé. Tous ont promis des aides après les funestes crues de cette journée, tant à Saint-Béat qu'à Luchon. Puis est arrivé le sentiment d'être oublié. Presque un an après les faits, ces derniers jours, les plaies ouvertes sont encore vives et les réunions se multiplient pour analyser ce qui s'est produit au cours de ces journées et ce qui s'en est suivi.

Le collectif «Sortir de l'eau» à Saint-Béat reste très actif et mobilisé comme en témoigne la dernière réunion que ses porte-parole ont menée à la salle des fêtes du village. Depuis la vidéo présentée, l'assistance a pu constater une nouvelle fois les destructions provoquées par la Garonne, et leur évolution.

«En regardant ces images, on peut apprécier le danger que représentent pour la population les berges effondrées, les embâcles, les atterrissements qui inexorablement détruisent le fleuve parce que rien n'est fait côté français pour stopper ce désastre», souligne Philippe Prat qui a conduit cette réunion.

 
Les travaux mis en œuvre au Plan d'Arrem semblent pour le Collectif insuffisants pour éviter le déferlement des boues sur l'aval en cas de crue/Photo DDM, C. T

«Rien ne sera possible durablement tant que la Garonne ne sera pas sécurisée», ajoute-t-il. Les analyses sont semblables du côté de Luchon. Las, les membres du collectif «Nos Vallées» tirent la sonnette d'alarme. Les travaux promis n'ont toujours pas été amorcés. Ravine de Castelvielh, curage des barrages, la situation reste inchangée. Didier Dienst indique : «Le collectif a envoyé un courrier au préfet, à la députée, Carole Delga, ainsi qu'au maire de Luchon. Nous avons aujourd'hui besoin de savoir ce qui va être fait, et quand ! Nous avons besoin de réponses précises à nos interrogations afin de rassurer les habitants. Nous demandons aussi un échéancier concernant les travaux à venir. L'an dernier, nous avons été frappés par un véritable désastre, écologique et financier. La ravine de Castelvielh et ses coulées de boue, menacent l'intégrité de la route de Superbagnères. Une sécurisation provisoire a été menée à bien en novembre 2013, avec la pose de filets, la création d'une plateforme de stockage. Des travaux de grande envergure, subventionnés à 50 % par l'État et par le conseil général de la Haute-Garonne, devaient être menés au printemps 2014. Rien n'a encore été engagé».

Philippe Prat a annoncé à Saint-Béat que l'action du collectif allait être intensifiée auprès des autorités administratives et des politiques, qu'il allait chercher des financements. Une manifestation dénonçant l'inaction générale sera organisée le mercredi 18 juin, jour anniversaire de la catastrophe de 2013.

 
Une équipe s'était attaquée sérieusement à redonner un bel éclat au pont Neuf./Photo DDM, C. T.

La générosité fut exceptionnelle
Si la générosité des populations de toute la France, ainsi que de très nombreuses collectivités territoriales, a fonctionné avec des dons extrêment nombreux qui ont été distribués suivant les critères établis et en toute transparence par l'association des maires de France en charge de la gestion de ce dossier, ce que regrettent les élus des zones concernées par les crues, est davantage le temps pris par les aides d'Etat pour arriver et celles qui manquent encore pour effectuer les travaux qu'ils estiment nécessaires. Le sous-préfet du Comminges, Bernard Bahut, aujourd'hui est parti à la retraite et avait donné des assurances en début d'année sur ces versements. C'est à son successeur, nouvellement arrivé, Jean-Luc Brouillou de reprendre le suivi des dossiers.

 
Inondations dans le Comminges : l'enlèvement des embâcles sur la Garonne se poursuit./Photo DDM Jal

Les campings toujours fermés
Saint-Béat est orphelin de ses campings. Dévastés le 18 juin 2013, ils n'ont toujours pas rouvert. Et ne rouvriront pas. Un arrêté préfectoral de fermeture définitive a été pris pour le camping municipal et le camping privé, quelques jours après les élections municipales de mars dernier. «C'est un manque à gagner de 70 000 € pour les recettes de la ville, explique le maire nouvellement élu, Alain Frisoni. La reconstruction du camping municipal s'avérera très compliquée. J'ai rendez-vous avec le sous-préfet la semaine prochaine à ce sujet. Il faudrait le surélever de 2 mètres en zone inondable, ce qui implique des travaux lourds de voirie. Leur coût serait de 1 à 1,5 M€. Je suis d'un naturel optimiste, donc j'y crois. Il y a aussi une autre alternative : construire de petits chalets surélevés. On monterait alors en gamme de camping.» Des habitués de la pêche et de la randonnée continuent à venir à Saint-Béat, même s'il n'y existe plus de moyen d'hébergement, en dehors de quelques chambres d'hôtes. «On va continuer à travailler avec les collectivités. Des solutions vont être trouvées. J'y crois. Mais on a besoin d'aide», conclut le maire de Saint-Béat.

 

Fos : Sécurité civile, intervention efficace et remarquable. Bertrand Auban a salué le travail remarquable réalisé par les militaires varois./Photo DDm, C.T

À Fos, le maire Francis Dejuan a contesté le projet d'arrêté préfectoral de fermeture du camping. «La préfecture affirme qu'il y avait 1,50 m d'eau dans le camping, alors qu'il n'y en avait que 60 cm. J'ai des photos. Le local du camping est en bon état, l'alarme a parfaitement fonctionné. La perte du camping, c'est 36 000 € de moins pour le village, soit 10 % du budget de la commune. C'est colossal. J'ai une école à faire fonctionner, et c'est très difficile en ce moment.»

«On ne vit toujours pas chez nous»
Jean-Christophe Pratte, informaticien, n'a toujours pas pu réintégrer sa maison de Fos, au-dessus de Saint-Béat. Il habite avec sa femme, infirmière, dans un appartement municipal, dans l'ancienne gare. «Notre maison était de plain-pied. Le 18 juin à 7 heures du matin, tout est parti. Nous avons peur que cela ne se reproduise. Donc nous voulons faire construire un étage. Les travaux devraient bientôt commencer, après une longue période d'attente des indemnisations, et d'autorisation de construction sur un site classé.»

 
Saint-Béat : Les commerces rouvrent enfin (mars 2014). Il n'aura pas fallu longtemps à Véronique Fages pour reprendre ses marques dans sa pharmacie. /Photo DDM

Avec le collectif «Sortir de l'eau», il prépare une action de protestation, pour réclamer des travaux d'endiguement et de curage de la Garonne. «Aujourd'hui, la Garonne continue à changer de lit. Des embâcles ont été retirés, les berges ont été à peu près nettoyées, mais nous ne sommes toujours pas protégés. Malgré les promesses, en premier lieu celles de François Hollande lui-même», conclut Jean-Christophe Pratte.

Nathalie Guillard, de l'association SOS Canton de Saint-Béat, continue à assister des sinistrés, à Fos, Arlos et Saint-Béat notamment. «Nous avons recueilli au total 98 000 € de dons. Nous avons encore quelques cas non réglés avec certaines assurances, mais dans l'ensemble les choses avancent.» À Saint-Béat, malgré la fermeture des deux campings, le centre village reprend vie. Commerces et services ont rouvert. La Poste, le distributeur de billets du Crédit Agricole, les coiffeuses travaillent, un kiné s'est installé, Le Petit Casino quittera bientôt ses locaux en préfabriqué. La Maison de la Presse et la pharmacie ont rouvert, et un nouveau boulanger s'installera début juillet.

 

À Saint-Béat, une vigilance de tous les instants. Deux fois par jour, Christian Laurioux longe le fleuve avec Dandy pour faire une petite promenade. / Photio DDM Christine Tellier
 

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