Publié le 01/04/2013 à 13:47 | 13 | La Dépêche du Midi |
Démographie : en trente ans, comme vous avez changé !
Né à 19h45 mardi 1er janvier, Nathan est le tout premier bébé castrais de l'année 2013./ Photo DDM, M.V
Les deux démographes Hervé Le Bras et Emmanuel Todd l'affirment, au risque d'être contredits par l'actualité économique et sociale. Dans leur ouvrage «Le Mystère français», les deux chercheurs évoquent une France qui «ne va pas si mal», comme l'indiquent son niveau d'éducation et son taux de fécondité.
C'est vrai, dans cette conjoncture de crise, le constat a de quoi surprendre. Même si la France ne se porte pas bien comme le confirment les chiffres du chômage ou du commerce extérieur, il y a de vraies raisons d'espérer. Niveau éducatif, taux de fécondité, espérance de vie, taux de suicide, donnent l'image d'une société qui tient encore le coup dans sa grande majorité. C'est la leçon revigorante que nous donnent dans leur dernier ouvrage, «Le Mystère français», Emmanuel Todd et Hervé Le Bras. Les deux anthropologues et historiens, qui avaient écrit en 1981 «L'Invention de la France» (Gallimard), dressent aujourd'hui le visage d'une société française dont le mouvement s'est profondément accéléré entre 1980 et 2010. Le décollage éducatif qui s'est opéré est une des explications qui a conduit à une inversion de la pyramide sociale, les diplômés représentant aujourd'hui la majorité de la population.
Le Grand Sud terre de robots / Photo DDM
Pour les deux chercheurs, les mutations de ces trente dernières années continuent de reposer sur des fondements religieux et anthropologiques qui opposent deux France : celle, centrale, qui va du bassin parisien, de Laon à Bordeaux jusqu'à la Méditerranée, qui fut déchristianisée dès la Révolution, et celle de la France périphérique, souvent de tradition catholique, qui représente environ le tiers de l'Hexagone. Parmi ces territoires périphériques : le Sud-Ouest et Midi-Pyrénées, marqués par un haut niveau d'éducation et par l'empreinte anthropologique de «la famille souche» dont le comté de Toulouse serait un des berceaux. Il paraissait intéressant de savoir quel regard les démographes portent sur le Grand Sud de la France. certes, le catholicisme n'a pas su résister à une pensée moderne qui s'est structurée aussi autour de la laïcité, de Gambetta et de Jaurès. Mais la tradition religieuse, ce que les démographes appellent le «catholicisme zombie» continue d'influencer le rapport au travail ou la performance scolaire. Dans «Le Mystère français», on découvre que nous vivons sur l'héritage d'un passé très ancien dont on n'a pas fait table rase. Nos traditions, nos valeurs sont toujours là.
Emmanuel Todd et Hervé Le Bras ont largement utilisé les moyens de la cartographie moderne pour en arriver à la conclusion d'un pays en pleine mutation, mais qui ne semble pas «aller si mal». Leur modèle, jugé parfois trop audacieux, a au moins le mérite de dépasser, sans le nier, le profond malaise d'une société fidèle malgré tout à ses fondamentaux.
Interview d'Emmanuel Todd, historien, démographe
«Toulouse, une des capitales de l'éducation supérieure»
Emmanuel Todd / Photo DDM
Jamais dans l'histoire de la population française, on n'avait atteint un tel niveau d'éducation, selon vous ?
L'Éducation est fondamentale dans le modèle que nous avons bâti. On ne dit pas que tout va bien en France. On constate même un état de stagnation depuis 1995. Cependant, la France n'a jamais été à un niveau éducatif aussi élevé. Cela explique beaucoup de choses dont on ne parle jamais et qui vont plutôt bien : la baisse de la mortalité, le constat d'une société beaucoup plus civilisée qu'on ne le dit. Notre étude met en évidence ce qu'on appelle une inversion de la pyramide. On s'en rend compte en comparant les niveaux d'éducation des plus de 60 ans et des moins de 35 ans. Auparavant, on retrouvait en bas de la pyramide une majorité écrasante de gens qui avaient juste un niveau d'éducation primaire et, tout en haut, une petite minorité de diplômés. On n'a pas idée de l'ampleur du basculement qui s'est opéré. À Toulouse, une des grandes capitales de l'éducation supérieure, il y a une vague conscience de ce que les étudiants pèsent aujourd'hui au cœur de la structure urbaine. Chez les moins de 35 ans, le groupe presque le plus nombreux est celui des diplômés.
Dans cette pyramide inversée qui repose sur sa pointe, on retrouve tout en bas de 10 à 15 % de personnes sans diplômes ou dans des difficultés scolaires. Au milieu de la pyramide, se concentrent 45 % de la population - ce qu'on appelait les milieux populaires - dont le niveau éducatif a lui-même augmenté grâce aux formations techniques.
Muret, Maïmat / Photo DDM
En quoi la vision de la société a-t-elle profondément changé ?
Avant, la majorité qui n'avait pas fait d'études se percevait comme potentiellement en ascension. La société vivait les yeux braqués sur les privilégiés situés en haut de la structure sociale avec le désir de les rattraper ou de les contester. ça donnait à la société une sorte d'orientation progressiste ou de gauche.
Avant, être de gauche, c'était espérer atteindre le haut de la pyramide en contestant ceux qui l'occupent. Au désir de contester, de rattraper ceux d'en haut, a succédé la peur de plonger parmi ceux d'en bas. Maintenant, la progression éducative a cessé. Ce qui explique le glissement généralisé à droite du système politique français. Aujourd'hui, voter à droite, c'est tenter de conserver son statut social.
Les structures familiales influeraient sur le niveau d'éducation des territoires. C'est le cas du Sud-Ouest ?
Toulouse se distingue, comme d'autres métropoles régionales, par une population jeune et suréduquée. Grâce aux techniques cartographiques qui plongent jusqu'au niveau communal, on a été surpris, Hervé Le Bras et moi, de découvrir la puissance de l'agglomération toulousaine en terme de concentration de cadres supérieurs, de personnes diplômées… J'avais sous-estimé le poids de cette agglomération. Avec les cartes, on voit que le dynamisme de la région toulousaine est associé à des phénomènes de niveau éducatif général, lui-même associé à des structures familiales particulières. En fait, c'est comme si ce qui avait été implanté par l'État en Midi-Pyrénées à l'époque des grandes délocalisations, avait trouvé un terreau favorable en permettant à la région d'acquérir sa dynamique propre.
Réunion de famille autour d'une centenaire dans le Gers ./Photo DDM, M. M.
En Midi-Pyrénées, les structures familiales sont celles de l'Inde ou du Japon. Le Sud-Ouest est très spécial. On (re) découvre l'action de deux variables dynamisantes dans la période récente : l'existence de structures familiales complexes avec des fortes solidarités intergénérationnelles. N'oublions pas que dans le Comté de Toulouse, on est dans le cœur historique de la «famille souche» en France (c'est-à-dire un système familial avec l'aîné comme héritier unique, qui associe plusieurs générations sous le même toit).
Mais c'est aussi une région où le catholicisme, plutôt accroché à la famille souche, a été très affaibli. En fait, Toulouse est dans une tradition de «famille souche et laïque», à forte intégration de l'individu par opposition au nord de la France, au Bassin parisien, qui se distinguait autrefois par sa famille «nucléaire» avec des règles de partage strictement égalitaires. Certes, en Occitanie, la famille souche, celle des ménages à trois générations (grands-parents, parents et enfants), a disparu.
Mais, quand on est passé dans un monde urbain, ce système familial a perduré en accordant une attention particulière au destin scolaire de l'enfant, avec en plus des interactions grands-parents-parents-enfants. Ce système est très puissant quand on arrive à l'éducation secondaire et supérieure
L'ouvrage incline à être plus optimiste que ne le sont les Français. Quelles raisons encore d'espérer ?
Il y a un contraste entre le mauvais état économique de la France, sa désindustrialisation massive, le déséquilibre du commerce extérieur, la baisse des revenus, la hausse du chômage… et le constat de ce niveau éducatif très élevé. Même si on le souligne peu, on est obligés de reconnaître qu'il y a une baisse du taux d'homicide, du taux de suicide, un allongement de l'espérance de vie… Dans ses mœurs, ses performances démographiques, dans sa fécondité, la France montre un certain degré d'optimisme.
Manifestation pour la sauvegarde de l'emploi / Photo DDM
Les politiques sont-ils conscients de la réalité que vous décrivez ?
Mon sentiment est que les politiques n'ont pas conscience de ces paramètres et c'est pourquoi ils sont incapables d'agir. La France n'est plus gérée pour elle-même en tant que système national unitaire. Les politiques gèrent le pays comme si c'était l'Allemagne ou le Japon. La disparition de la monnaie nationale, le désinvestissement du rôle de l'État, empêchent la France de fonctionner à son niveau optimal. En fait, la France fonctionne bien quand les systèmes divers qui imprègnent ses territoires entrent dans des interactions positives. Il est certain que le discours et la pratique négative du reflux du rôle de l'État et de l'interventionnisme étatique jouent contre l'efficacité du système productif national.
Un exemple ? Toulouse justement ! A une certaine époque, l'État, de manière totalement volontariste, avec l'industrie aéronautique bien avant Airbus, a choisi de mettre de l'investissement à Toulouse. C'est ce qui a permis de tirer partie des potentialités éducatives de la région. S'il n'y avait pas eu l'action de l'État à un moment donné, ce potentiel toulousain n'aurait pas été utilisé.
*Emmanuel Todd, coauteur avec Hervé Le Bras du «Mystère français» paru au Seuil, sera le mercredi 15 mai à Toulouse, à la librairie «Ombres Blanches».
Recueilli par Jean Marie Decorse
Publié le 01/04/2013 à 09:01
Les cinq grands atouts du Grand Sud
Une assimilation à la région
Dans l'ouvrage des deux démographes, on comprend qu'il y a un déterminisme historique et religieux attaché à chaque région. Mais la mobilité accrue des populations ne condamne pas à terme ce déterminisme, souligne Emmanuel Todd. Pour lui, les déplacements de population n'affectent pas la nature des régions. La preuve, c'est que les gens qui bougent ont tendance à s'identifier aux territoires dans lesquels ils vont. «On sous-estime totalement cette puissance d'assimilation. Il y a énormément de brassage en France, mais la mémoire des lieux reste très forte. Les structures familiales anciennes ont disparu, les religions aussi, l'urbanisme a poussé, et pourtant les cultures régionales subsistent…»
L 'amphithéâtre de l'IUT de Rodez plein à ras bord pour la rentrée ./Photos DDM, J.-L.P
Un fort niveau d'éducation…
Jamais la France n'avait atteint un tel niveau éducatif. Modérant l'optimisme de cette constatation, les deux auteurs de l'étude considèrent que l'ascension des trente dernières années n'a pas mené à la démocratie culturelle, mais a produit une inversion de la pyramide et un retournement du concept d'inégalité.
À Toulouse et son agglomération, les «éduqués supérieurs» frôlent la majorité absolue avec 49 % d'individus qui ont obtenu le bac ou plus, 38 % d'éduqués moyens, secondaires et techniques, et seulement 12 % des citoyens restés au stade de l'instruction primaire. En 2011, avec un taux de réussite au bac de 88,5 %, Midi-Pyrénées était dans le peloton de tête des régions françaises avec l'Alsace et Rhône-Alpes.
Les prévisionnistes du Shapi, auscultent en permanence les cours d'eau métropolitains./Photo DDM Michel Labonne
… et de matière grise
Si la décentralisation a porté ses fruits dans le Grand Sud et en Midi-Pyrénées notamment, c'est parce qu'elle a pu s'épanouir dans une région fortement éduquée. C'est du moins la conclusion des démographes. La vague de décentralisations menée dans les années soixante par le Premier ministre Michel Debré a placé définitivement sur orbite l'industrie toulousaine avec l'Ensica, l'Enac, SupAéro, le Cnes, bien avant Météo France. On parlait à l'époque de «métropole d'équilibre» pour désigner une ville destinée à jouer un rôle de contrepoids économique et démographique à l'hypercentralisation parisienne. Il s'agissait alors d'une initiative de la DATAR, la délégation de l'aménagement du Territoire.
Pèlerins devant l'abbatiale de Conques ./Photo DDM.
Religion : «un catholicisme laïcisé»
C'est un des enseignements du livre : dans les régions périphériques comme le Sud-Ouest, l'empreinte «autoritaire» du vieux catholicisme se révèle, une fois laïcisée, comme une protection efficace contre la crise.
«Le catholicisme, s'il est mort en tant que croyance, est bien vivant en tant que force sociale. Il a dynamisé l'éducation entre 1985 et 1995 et facilité l'adaptation économique des populations dans les régions autrefois pratiquantes», expliquent les coauteurs. Le constat évoqué ci-dessous joue par opposition aux zones centrales (Bassin parisien et façade méditerranéenne), où l'idéal d'individualisme «égalitaire», qui fut le ferment de la Révolution, renforce désormais la fragilité des plus faibles.
Latécoère relocalise à Saint-Gaudens / Photo DDM
Les portes (ouvertes) de l'avenir
Ce n'est sûrement pas un hasard si le colloque «Futurapolis» conduit par le magazine «le Point» veut confirmer son ancrage toulousain en faisant venir pendant trois jours (du 11 au 13 avril) de nombreuses personnalités du monde politique et de la recherche. En s'associant aux nombreux débats consacrés à la «Ville de demain», Toulouse et sa Région conservent sa place parmi les territoires économiques les plus dynamiques de France. Entre les commandes d'Airbus et de son A320 «Neo», les ambitions de l'oncopole, fussent-elles contrariées ces temps-ci, entre les passerelles accrues entre l'université et les labos, la région a une place enviée qu'elle doit aussi au niveau de formation de ses hommes et femmes.
Publié le 01/04/2013 à 08:58 |
Les jeunes cadres rêvent d'exode dans le Sud-Ouest
Toulouse / Photo DDM
Quitter la grisaille de la capitale pour aborder les terres du Sud-Ouest plus ensoleillées ? Goûter à la douceur de vivre provinciale et être moins soumis au diktat des transports. Selon une étude publiée hier par Cadreemploi pour le JDD, plus de huit cadres parisiens sur dix envisagent de changer de région.
Selon cette enquête, 86 % des cadres pensent à quitter la région parisienne, plus d'un tiers (38 %) envisageant de le faire dans l'année.
Interrogés sur leurs motifs, 27 % évoquent l'équilibre vie privée-vie professionnelle, 18 % l'attrait de la ville ou de la région, et autant le prix de l'immobilier. Viennent ensuite la question d'un changement de carrière ou d'orientation, un rapprochement familial ou encore le niveau de rémunération.
Lannemezan : L'entreprise Arkema démystifie la chimie (Photo DDM)
Pour se retrouver dans une nouvelle région, près de trois cadres sur quatre se disent prêts à changer de métier ou de secteur. Ce sont avant tout les régions du Sud-Ouest qui attirent le plus les cadres (27 %) devant le Sud-Est (23 %) et l'Ouest (20 %), le Centre, l'Est et le Nord étant les moins attractifs. Le Sud-Ouest est préféré pour son environnement pour la famille et les loisirs tandis que le Grand Ouest attire pour son potentiel économique, notamment en matière de pouvoir d'achat. C'est un peu une revanche pour cette région française qui a longtemps pâti de la frilosité de ses entreprises à pratiquer des salaires à la hausse. En 2008, déploraient alors les cols blancs, seulement 42 % des cadres avaient été gratifiés d'une augmentation… L'enquête a été réalisée du 19 au 21 mars par questionnaire auto-administré en ligne auprès d'un échantillon de 1 134 cadres parisiens inscrits sur Cadremploi.
Les acteurs de l'emploi en Ariège se sont réunis à Mécaprec, à Lavelanet. /Photo DDM, H.D.
Ces résultats sont d'autant plus surprenants que la mobilité professionnelle n'est jamais de tout repos. Elle relève des projets d'envergure source d'inquiétudes. Les personnes prêtes à quitter Paris et l'Ile-de-France savent qu'ils éprouveront des difficultés à trouver un emploi satisfaisant, qu'ils rencontreront des complications pour l'emploi du conjoint, qu'ils s'éloigneront aussi de leurs proches.
Sur les bureaux des DRH, ces demandes de mobilité sont plus nombreuses. Le groupe d'assurances AXA a conduit ainsi une vaste consultation auprès de ses six mille salariés pour trouver des candidats au départ vers ses agences de province. Le résultat ne s'est pas fait attendre : le quart des salariés, dont la moitié a moins de 40 ans, s'est dit intéressé par une mutation. C'est ce qu'indiquait hier le Journal du Dimanche dans un dossier consacré aux expatriations «provinciales».
Publié le 01/04/2013 à 08:52
L'air du temps (éditorial : Marie-Louise Roubaud)
En société comme en climatologie il y a une notion qu'on avait presque oubliée et qui revient en force : le «ressenti». Désormais, dans les bulletins météorologiques, on fait la part des choses : le thermomètre marque zéro, mais la température «ressentie» est, à cause du vent ou autres perturbations, proche de moins trois ou de moins cinq.
Les acteurs économiques, sociaux, associatifs et les élus du Sud Tarn / Photo DDM
Il en va de même pour la France, si l'on en croit les démographes et historiens qui viennent de publier «Le mystère français». Statistiques et cartes à l'appui, recensées sur une période de trente ans, la France ne se porte pas aussi mal qu'on le dit ou qu'on le pense. L'indice indiscutable ? La démographie. Nous faisons plus d'enfants que la moyenne de nos voisins européens et ce n'est pas à mettre au compte de l'immigration. C'est une tendance lourde qui prouve que malgré le sentiment prégnant d'une fin de monde proche, la majorité prend le risque de parier sur la vie. La natalité c'est en effet la clé du futur pour une nation. Car, même dans une société robotisée à l'extrême, des tâches ménagères à la chirurgie de pointe, rien ne saurait remplacer l'intelligence de la main et du cerveau pour recréer des conditions de vie acceptables aux générations à venir.
L'espérance de vie est à la hausse chez nous, comme partout ailleurs, et le taux de suicides régresse. Ce n'est pas que la jeunesse, la première concernée par le phénomène, se voit dérouler le tapis rouge devant elle ; mais malgré les sombres perspectives du chômage et du sida, elle est dans sa plus large majorité plus éduquée, et elle tourne le dos à ce que Régis Debray appelle un «XXe siècle d'épouvante» et Alain Finkielkraut un «siècle de fer». Comme règle de vie, contrairement aux idées reçues, elle s'en remet aux vieilles croyances du vieux pays. D'où le retour aux valeurs de la famille qui se déclinent différemment, qu'on soit de l'Est ou de l'Ouest, du Nord ou du Sud. Sans doute est-ce ainsi qu'on doit entendre les réactions exacerbées dans les deux camps autour du mariage pour tous, devenu le marqueur d'un clivage droite-gauche. Ce qui rejoint les conclusions, il y a trente ans d'Emmanuel Todd et d'Hervé le Bras dans leur étude précédente («L'invention de la France») : en gros la France catholique vote à droite et l'autre à gauche.
Les lycéens d'Albi en quête de formations. / Photo DDM, Jean-Marie Lamboley
Il est donc toujours vrai que «ce sont les passions et non les intérêts qui mènent le monde» (Alain) ? Les auteurs du «Mystère français» ne nous disent pas autre chose, c'est-à-dire que les individus et leurs comportements ne sont pas tous induits par les chiffres et qu'il faut chercher ailleurs leurs motivations. Sans s'être vraiment concertés, ils rejoignent aussi l'analyse de François Bayrou : «Un pays peut revenir de ses illusions, pas de ses divisions». En fait la France ne manquerait ni d'idéal ni de ressort, mais elle serait, notre orgueil dût-il en pâtir, comme l'âne de Buridan : elle ne saurait se résoudre à choisir…
Publié le 29/03/2013 à 09:02 Gilles-R. Souillés
Croissance : l'exception toulousaine fait résistance
La grande distribution et le commerce alimentaire ont fait de bons résultats en 2012. /Photo DDM, F. Charmeux
Tirée par l'industrie aéronautique et les services, l'activité économique en Haute-Garonne a encore progressé en 2012. Mais cette année s'annonce plus difficile.
Il est un pays où il se crée plus d'entreprises qu'il n'en disparaît, où l'on compte toujours plus de salariés et où la croissance fait un pied de nez à la morosité nationale. Ce pays, c'est la Haute-Garonne, dont l'enquête annuelle de conjoncture de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Toulouse vient encore une fois révéler l'exceptionnelle vitalité. Un signe ? Pour l'année 2012, tous les clignotants sont encore au vert en terme de croissance de l'activité, même si certains secteurs marquent un certain essoufflement.
Le rôle moteur de l'industrie et des services à l'entreprise (assistance informatique, conseils…) est toujours sensible avec une hausse de leurs chiffres d'affaires respectifs de 6,2 % et de 5,9 %. La métropole toulousaine et la première couronne, étant les premiers bénéficiaires de ce «miracle» économique avec comme levier principal l'aéronautique. Les choses ont été plus difficiles, en revanche, dans un contexte atone, pour le secteur de la construction et de l'immobilier, malgré un chiffre d'affaires en hausse de 0,2 %. Un résultat qui masque le gros trou d'air traversé par le secteur du bâtiment et des travaux publics, soutenu par les programmes de logements sociaux.
La société Latécoère a un plan d'embauche de 200 personnes en 2013./Photo DDM
Côté commerce, la croissance de l'activité est toujours là (+0,4%), mais avec, ici aussi, de grandes disparités. La grande distribution a tiré son épingle du jeu (+3,3 %) comme le commerce de détail alimentaire, qui s'est rétabli (+5,1%), alors que le commerce de gros souffre plus. Et pour tous, les trésoreries restent fragiles. De manière générale, tous secteurs confondus, les très petites entreprises (TPE) et les PME sont celles qui connaissent le plus de difficultés. L'enquête de la CCI prouve également que l'écart se creuse entre les entreprises de moins de 20 salariés et les autres. Et les mois qui viennent s'annoncent beaucoup moins porteurs. les carnets de commande en attestent. Malgré une légère progression du courant d'affaires (+1,4%) et de l'emploi salarié (+1,1%, un net ralentissement devrait survenir cette année. Le secteur des services serait le seul secteur à résister, notamment au niveau de l'emploi. Avec un indice inquiétant : le coup de frein programmé de l'activité industrielle. Bref, 2013 sera très compliqué.
L'électronique, un secteur qui recrute / Photo DDM
L'atout des nouvelles technologies
Le président de la CCI, Alain Di Crescenzo, a un naturel optimiste. Pas question en tout cas pour lui de se résigner aux perspectives dépressives qui guettent notre économie en 2013. «Il faut favoriser l'émergence de nouvelles filières. Au-delà des secteurs traditionnels, l'accent doit être porté sur de nouveaux domaines d'activités à fort potentiel, a-t-il souligné, hier. Notamment dans la mobilité intelligente, le développement d'internet et les applications smartphones que nos compétences locales peuvent exploiter». Se plaçant résolument dans des perspectives à 20-30 ans, Alain Di Cresenzo a aussi évoqué le développement de la voiture électrique, ou encore la «i-santé» en saluant le centre hospitalier universitaire (CHU) toulousain comme le plus performant de France. «Il y a là des services et des applications à développer pour un marché de dizaines de milliards». Et d'évoquer ensuite les secteurs de la défense, de l'agriculture durable, de l'alimentation qui soigne ou du transmédia… les idées ne manquent pas.
Aux caisses d'un Intermarché ./Photo Rachel Barranco.
Le chiffre : 2,8 %
Hausse > Emploi salarié. Les entreprises de la Haute-Garonne ont continué à créer de l'emploi salarié en 2012 (+2,8%). Pour la troisième année consécutive, le département a ainsi enregistré une augmentation des effectifs salariés supérieure à 2 %. ce qui le met au premier rang français.
«En 2012, 1000 entreprises ont été créées en Haute-Garonne. Toulouse est la deuxième ville entrepreneuriale de France. Il faut le cultiver».
Alain Di Crescenzo, président de la chambre de commerce et d'industrie
Publié le 01/04/2013 à 07:34 | Gilles-R. Souillés
Le secteur des services fait mieux qu'Airbus
La restauration fait partie de ces services qui portent l'activité économique en Haute-Garonne./ photo DDM
La Haute-Garonne compte plus de 340 000 salariés dont la moitié travaille dans les services, le secteur le plus important dans le département en terme d'emplois… devant l'industrie et donc l'aéronautique.
Les chiffres sont têtus et tordent le coup aux idées reçues. Si les commandes à plusieurs zéros du constructeur aéronautique Airbus assurent la notoriété de la Ville rose dans le monde entier et un confortable réseau de sous-traitance dans notre département, ce ne sont pas seulement les avions qui font décoller les emplois salariés. Et de très loin. Même si leur production est à moins forte valeur ajoutée, ce sont d'abord les petites mains du secteur des services qui, telles des fourmis, forment le plus gros bataillon de travailleurs et d'entreprises.
Selon les chiffres fournis par l'enquête annuelle de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Haute-Garonne et de la Banque de France, la moitié de l'économie départementale est portée par ces multiples activités qui vont des transports au tourisme, en passant par l'hôtellerie et la restauration, le conseil et l'assistance aux entreprises, ou l'aide à la personne. Des petits ruisseaux qui irriguent tout le tissu économique et qui finissent par faire de grandes rivières.
Les PME vont devoir recruter et investir. / Photo DDM
En 2012, le département comptait 23 702 entreprises dans le secteur des services, loin devant le commerce (13 269), la construction-immobilier (8 842) et l'industrie (4 426). Certes, la taille des sociétés n'est pas la même et les petites entreprises sont les plus nombreuses, mais à l'arrivée, ce sont 169 017 personnes qui sont employées dans le secteur, soit 50 % de l'emploi salarié, en devançant, cette fois, l'industrie (72 520), le commerce (60 648), et la construction-immobilier (38 647).
Une dynamique qui, l'an dernier, s'est appuyée surtout sur les services aux entreprises (assistance informatique, conseil…) qui ont apporté toujours plus de croissance et d'emplois. Avec pour cette seule branche, une hausse du chiffre d'affaires de 3,8 % pour 19 090 salariés. Selon l'enquête de la CCI, 2013 devrait s'inscrire dans la continuité des tendances observées. Les services devraient signer la meilleure croissance sectorielle de l'économie haut-garonnaise, avec +2,7 % attendus en progression de chiffre d'affaires et +3,2 % d'embauches supplémentaires prévues. Mais même si ces projections sont bonnes, des disparités existent selon les branches. Les aides à la personne, les activités liées au tourisme comme la restauration ou l'hôtellerie, et les transports manquent de visibilité. Comme pour l'industrie, l'année 2013 s'annonce plus délicate.
Airbus : l'usine de l'A380./ Photo DDM, C.C.
La locomotive métropole
Tous secteurs confondus, la Haute-Garonne comptait l'an dernier 340 832 salariés. Évidemment, c'est dans la métropole toulousaine que se concentre l'essentiel de l'activité économique (37 communes, 254 305 salariés) et la première couronne urbaine (41 communes 44 267 salariés). La deuxième couronne (243 communes, 30 150 salariés) et le Comminges, à vocation agricole (268 communes, 12 110 salariés), restant les zones les plus difficiles.
Michel Sarran dans les cuisines du lycée Renée-Bonnet./ Photo DR