1923 : Maginot allumait la Flamme
Publié le 04/11/2023 | La Dépêche du Midi | Pierre Challier
MÉMOIRE : Il y a 100 ans, André Maginot allumait la Flamme du souvenir
Depuis le 11-Novembre 1923, la Flamme du souvenir allumée par Maginot ne s'est jamais éteinte. / Fnam
Elle ne doit jamais s’éteindre. Tous les soirs, à 18 h 30, la flamme du Soldat inconnu est rallumée. Ce 11-Novembre, on commémore son centenaire. L’occasion aussi de redécouvrir le désormais méconnu AndréMaginot, dont le nom a été maltraité par l’histoire…
11 novembre 1923, 18 heures. Un homme de haute stature sous un épais manteau s’avance vers le chevet d’une tombe fleurie. Montagne de gerbes posées le matin même, sous l’Arc de Triomphe... "Ici repose un soldat français mort pour la patrie. 1914-1918 ". Ministre de la Guerre, André Maginot se penche et allume pour la première fois la Flamme du souvenir. Depuis, elle ne s’est jamais éteinte, même sous l’Occupation.
Chaque soir à 18 h 30 elle est ravivée et entretenue par le "Comité de la flamme ". Un peu plus de 500 associations y sont réunies. "En ravivant la flamme, elles entretiennent la mémoire du Soldat inconnu mais aussi de tous les combattants français et alliés qui sont tombés et, depuis la Seconde Guerre mondiale, cette flamme est aussi devenue le symbole de l’espérance dans l’avenir", rappelle le Toulousain René Peter, général, ancien patron du 1er RTP de Francazal et président de la Fédération nationale André Maginot, doyenne des associations d’anciens combattants en France.
Sous le regard d'André Maginot, Auguste Thin a la lourde charge de désigner le Soldat inconnu. Il dédicacera cette photo à la Fédération Maginot. / Fnam
"Lampe provisoire"
Ce 11novembre 1923, cinq ans après l’armistice, la première cérémonie matinale est restée imposante. À 11 heures, la minute de silence a duré bien au-delà des soixante secondes. République, Conseil, Sénat, Chambre, ministères, diplomates… Tous les présidents ont rejoint ministres, ambassadeurs, maréchaux et généraux : "Paris et la France s’inclinent sur la tombe du Soldat inconnu", titre La Dépêche, n’omettant personne : les mutilés anonymes et pupilles de la Nation assistent aussi au défilé qui réunit la foule endeuillée. Pour l’heure, c’est une "lampe provisoire" qui a été posée, note le journaliste, en attendant le monument devant lequel sera photographié Maginot.
1,4 million de morts, 3,5 millions de blessés...
1,4 million de morts en quatre ans, laissant 600 000 veuves et 986 000 orphelins… À l’école, on apprend désormais qu’il faudrait six jours et cinq nuits pour faire défiler les fantômes des soldats tués, en rang par quatre, sous cet Arc de Triomphe. Mais il y a aussi plus de 3,5 millions de blessés dont un million d’invalides. André Maginot est l’homme qui se bat pour eux. Les Français le connaissent. Il y a trois ans, il était aussi sur la photo, dans la citadelle de Verdun.
La "une" de La Dépêche, le 11-Novembre 1923. L'éditorial est signé Roland Dorgelès, l'auteur de "Les Croix de bois" et futur président de l'académie Goncourt. / DDM
Imposant à côté d’Auguste Thin face à huit cercueils, il présidait la cérémonie durant laquelle ce jeune fantassin au regard perdu avait eu l’écrasante charge de choisir lequel de ces morts serait le "Soldat inconnu". Le silence du recueillement a imprimé l’image en chacun.
"Et il faut alors rappeler le parcours exemplaire de Maginot", souligne le général Peter. "En août 1914, il est député de la Meuse et sous-secrétaire d’État à la Guerre lorsqu’il s’engage comme simple fantassin, à 37 ans. Au front, son courage le fait vite sergent avant qu’il ne soit grièvement blessé à la jambe en novembre 1914. Mais ce grand soldat surnommé "le patrouilleur de Verdun" est aussi un grand homme politique", résume-t-il.
Député de la Meuse et sous-secrétaire d'Etat à la Guerre, André Maginot s'engage comme simple soldat en août 1914. / Fnam
La solidarité due aux blessés, aux mutilés, aux familles endeuillées
De retour vers les ministères…En 1918, Maginot prend aussi la présidence de la première fédération d’anciens militaires mutilés, créée en 1888 pour les soldats de la Crimée, de 1870 et des guerres coloniales et, en 1920, est créé pour lui le poste de ministre des Pensions, des primes et des allocations de guerre.
Dans un pays où huit millions d’hommes ont été mobilisés, les anciens combattants - appellation née à l’époque- sont devenus une force politique majeure. Ils entendent préserver la mémoire de leurs disparus, mais aussi rappeler à la France son devoir de solidarité à l’égard de ceux qui ont tenu, dans l’horreur des tranchées. "Chambre bleu horizon" : plus de 200 vétérans sont ainsi élus députés en 1919. Et la réintégration à la société civile de leurs camarades n’est pas un mince sujet dans un pays ruiné qui veut croire, derrière Clemenceau, que "l’Allemagne paiera"…
Maginot, créateurs de droits
"Ce que doivent les Français à Maginot est considérable. C’est lui qui va créer le "droit à reconnaissance" , le "droit à réparation" et les pensions pour que des millions de foyers échappent à la misère", rappelle le général Peter (lire ci-dessous).
Aujourd’hui ? Lazare Ponticelli, le dernier poilu est mort en 2008. Jusqu’en 1939, sa génération aura cru avoir fait la "Der’ des Ders". Mais il y en aura eu une autre, puis l’Indochine, l’Algérie et les opérations extérieures de l’Afghanistan à Barkhane en passant par le Levant. "La Fnam regroupe 250 associations, compte 200 000 adhérents et aujourd’hui nos effectifs augmentent et rajeunissent. Plus que jamais, notre mission reste le soutien et la solidarité", conclut son président.
Pour ce centenaire, la Fnam publie une bande-dessinée retraçant l'histoire de "André Maginot, un patriote exemplaire" / Fnam
Gueules cassées : De la Loterie nationale à la Française des Jeux
Dans le sillage de la crise de 1929, la France traverse de graves difficultés économiques, en 1933. L’État veut alors diminuer les pensions des anciens combattants : colère générale. Les successeurs d’André Maginot imaginent une solution : l’organisation d’une loterie, dont les bénéfices seraient reversés à l’association des Gueules cassées, ou Union des blessés de la face, créée en 1921. La Loterie nationale est née.
"Aujourd’hui encore, cela garantit notre totale indépendance financière", sourit René Peter, "la nationalisation de cette institution avec la création de la Française des Jeux, puis sa privatisation, en 2019, nous a fait actionnaires", poursuit-il. Et grâce à ces dividendes la Fnam soutient des parcours citoyens et des projets mémoriels portés par l’Education nationale, notamment dans les "classes Défense", mais aussi par les cadets de la gendarmerie ou par le ministère des Armées. Elle participera ainsi au spectacle de commémoration de la Flamme, à l’Arc de Triomphe, ce 11-Novembre et a publié une bande dessinée : "Maginot, un patriote exemplaire".
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