"Catinou et Jacouti" créés par Charles Mouly
Publié le 03/03/2009 à 09:16 | La Dépêche du Midi | Jean-Claude Souléry
Charles Mouly a créé "Catinou et Jacouti"
Charles a tout simplement regardé autour de lui ce qui faisait l'âme de notre Sud-Ouest. / Photo DDM.
Charles Mouly avait tout juste un quart de siècle d'existence quand, homme de plume et de radio, il fit naître en 1944 « La Catinou ». Cette femme replète, flanquée de Jacouti un mari fluet, qui, sur les ondes de Radio-Toulouse, puis ensuite dans les colonnes de « La Dépêche du Midi » et sur les scènes du Sud-Ouest, propagea la joie de vivre et la bonne humeur. Le succès était immense comme le talent du comédien Dominique. À sa mort en 1965, Charles Mouly eut envie de raccrocher, mais la chronique continua pour la plus grande joie de milliers de lecteurs de notre quotidien.
Puis vint 1 995 et la publication d'un premier recueil des chroniques de Catinou chez Loubatières avec des dessins à la plume un peu dans la veine des personnages de Dubout et signés de Charles Mouly.C'est à cette époque que tout repartit comme un grand feu qui couve dans une ancienne forge d'un hameau de Saint-Lys : Mingecèbes. Propriétaire des lieux, Armand Serres fut le forgeron visionnaire de ce lieu. Au début des années cinquante, il affirmait en lisant et en écoutant Catinou : « un jour ou l'autre, Mingecèbes (Mange- oignons) deviendra célèbre ».
Charles Mouly, le créateur de Catinou et Jacouti / DDM
Bienvenue chez Mouly
C'était un monde d'autrefois, truculent et rural qui parlait le patois - d'autres diront l'occitan. Charles n'a pas cherché bien loin ce décor, ni cette Catinou, sa robe qui coiffait son énorme fessier et sa faconde à nulle autre pareille - ces mémés qui, déjà, depuis belle lurette, aimaient tant la castagne - et tous ces autres personnages, Jacouti, Piroulet, qui semblaient et semblent tellement anachroniques pour quiconque est natif d'au-dessus de la Loire.
Charles a tout simplement regardé autour de lui cette terre et ses hommes, leurs humeurs, l'amabilité rugueuse de leurs conversations, ce qui faisait en quelque sorte l'âme de notre Sud-Ouest. C'était dans nos villages où pointaient, presqu'à égale hauteur, le clocher et les poteaux de rugby.
Catinou et Jacouti ont pris vie dans des chroniques en occitan pleines d'humour et de tendresse. / DDM
Avant la mode des «Ch'tis», Charles avait compris qu'ici même la fraternité n'avait pas besoin de grands mots encore moins de capitale. Le petit village de Minjecèbes existe vraiment, c'est la capitale d'une certaine nostalgie, d'un siècle sans doute envolé, mais qui s'est très longtemps exprimé dans les pages de «La Dépêche». Bref, c'était le monde d'ici. Et c'est pourquoi nous avons tant aimé ces dialogues expédiés d'une plume appliquée.
Je revois Charles qui nous livrait sa copie avec une ponctualité très provinciale, c'était alors une manière de politesse, et son sourire, ses éclats de rire, sonnaient comme un témoignage éclatant de d'amitié. Adieu Charles. Loin du désordre du monde et de sa folie prétentieuse, ta Catinou a définitivement posé son cabas. Pour peu qu'on y regarde, on y trouvera un précieux trésor. Un trésor d'humanité.
Publié le 27/05/2001 à 00:00 | La Dépêche du Midi | Par Charles MOULY
Sul mercat
Catinou et Jacouti, le couple légendaire du Pays toulousain. / DDM
Jacouti est parti au marché pour vendre un grand panier d'oeufs frais comptant bien en tirer quelques argent pour renflouer les finances du ménage. Mais au bout de deux heures d'attente, il n'a encore rien vendu. Le seul client qui s'intéressera à ses oeufs est un joyeux farceur qui le mettra dans une situation aussi grotesque que catastrophique.
Coumo sabetz, quand arribo lou temps de Pasquos, les poulos se sentisson uno valentiso del diaple per poundre. Atal la Catinou touto countento abio ramassat un grand panierat d'ioùs e lous abio fisatz al Jacouti per lous anar vendre al mercat de frettocoquos, coumptant aqui dessus per ses remountar las finanços de l'oustal.
Tout le monde connait la Catinou ou en a entendu parler,soit en écoutant Radio Toulouse,dans les années soixante,soit en lisant les chroniques hebdomadaires écrites par Gérard Mouly dans la Dépêche du Midi / DDM
Arribat sul mercat de boun matin, Lou Jacouti s'installo almihour endret ambe sa panièro, sigur que lous clients anabon pas manquar. Mès bistanflu! Dos ouros aprèp èro toujoun plantat aqui e abio pas vendut un soul ioù! Aro èro pla prèp de miègjoun e lou paurot se desesperabo, en pregant toutis lous sancts del paradis d'i venir en ajudo: « Sanct Dijoùs, fazetz me vendre aquelis ioùs!... Sancto Verveno, que ne vende uno dougeno! Sanct Escalièr belèu tout lou panièr! Sanct Siméon que vende al mens quicom!»
E tout d'un cop aqui qu'arribo un moussurot, pla estrilhat, e poumada, que se planto dabant el e i demando: « Combien vos oeufs? - Tres cents francs la doutgeno! (de francs d'autris cops pla sigur) respound lou Jacouti - C'est un peu cher! ço dis lou farlusquet. Mais je veux bien vous les acheter, à la condition que je puisse choisir ceux que je veux - A vostre servici, moussu! Se destrigo de dire lou Jacouti, trop countent d'aquel affar. E quantis ne vouletz? - Je prendrai tous ceux qui me plairont! - Eh be! Anatz-i!... Souloment, ount anatz lous mettre? - Pour l'instant vous allez me les tenir. Voyons! Croisez les bras sur la poitrine. C'est ça! Comme ça! Je vais les poser là - Aquo's pas trop coumode! ço dis lou Jacouti. Mès enfin, despachatz-vous! E prenetz gardo de ne trinquar pas cap! - C'est surtout à vous de faire attention! i respound lou blanbèc. Vous y êtes? « E coumenço d'empilar lous ioùs suls brasses del Jaciuti.
Catinou et Jacouti oeuvrent pour le développement de la culture occitane en général / DDM
Vertat es que la pousturo èro pas de tout aisido. Mès per vendre sa merchandiso lou Jacouti aurio suspourtat mai qu'aquo! En attendant lou moussurot quitabo pas d'empilar d'ioùus e la panièro èro a mitat curado. Nostre penjolumn'èro tout regaudit, en mème temps que se troubabo pla embarrassat ambe tout aquelis ioùs suls brasses, e se tracassabo ferme. Finiguèt per dire: « Kè! Junome! Vous caldrio destrigar un bricou! Soui pas a noços, iou, ambe tout aquelo merchandiso, que risqui de tout lachar! - Ah! Ca! Ca serait marrant si vous lâchiez tout! s'sclafo aquelo crapulo. Dites-moi, vous craignez las chatouilles? - Ah Sibouplèt! Vous amusetz pas a n'aquo. « Bramo lou Jacouti, pres de paniquo. Mès sans l'escoutar, que fa l'autro crapulo? Proufitant que lou Jacouti abio lous brasses embarassatz, aquel bandit, en rifanhant, t'i delargo las bretèlos e i fa toumbar las bragos suls talouns!
Boudiou! Paures efants! Imaginatz aquel espectacle! Lou Jacouti plantat al miègt del mercat, sans gausar boulegar un artelh ambe soun cargoment d'ioùs, lous pèds embarassats dins sas bragos, lou pandourèl floutant dins la biso que i agafabo lous poumpilhs. De vergounho e de fred, lou paurot serrabo las paterlos tant que poudio. I auriatz cunhat uno grano de colza al founs de l'esquino, n'aurio fait tres litres d'oli! E tout a l'entour lou mounde espantats ou estabousits que ne badabon ou se crevabon de rire, las fennos s'amagant lous uèlhs en pialhant: « c'est affreux!»
Catinou et Jacouti avec Lous Conmédians Minjocebos / Photo DDM, R. Théo
Lou suplici aurio pougut durar loungtemps. Urousoment, un agnt de vilo, alertat, acouriguèt per debarassar nostre arganhol de sous ioùs, e per i remettre las bragos en plaço. Ero pas trop lèu! E lou Jacouti pla soulajat sabio pas prou lou remerciar. Mès aquel ome tant devouat per se pagar de sas penos, ajèt praquo lou toupet d'i empegar un berbal « pour outrage public à la pudeur ». Res qu'aquo!
Es que seretz estounats se vous disi qu'es pas encaro deman que lou Jacouti tournara vendre d'ioùs al mercat de Frettocoquos?
*Vocabulaire. - Un panierat: un plein panier; fisar: confier; farlusquet: farceur; trinquar: casser; aisit: commode; quitabo pas: n'arrêtait pas; curado: vidée; se destrigar: se hâter; rifanhar: ricaner; delargar: lâcher; bragos: pantalon; arthelh: orteil; pandourèl: pas de chemise; poumpilhs: mollets; paterlos: fesses; cunhar: introduire de force; espantat: sidéré; estabousit: ahuri; empegar: coller; praquo: pourtant.
Dans « La Bicicletada », notre Jacouti s'entraîne avec l'équipe des « valents mancats de minjacèbas » / DDM
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