Transports : Comment Graulhet se débrouille-t-elle ?
Publié le 13/02/19 à 12h12 | 20 Minutes | Helene Menal
Baromètre des territoires : «Pas d'autoroute, ni de gare, ni de train», comment Graulhet se débrouille-t-elle ?
REPORTAGE : Le premier baromètre des territoires réalisé pour l'association Villes de France fait apparaitre un clivage entre les grandes métropoles, qui seraient les «chouchous» des politiques publiques, et les petites villes. Ces dernières souffrent notamment dans le domaine des transports. Exemple à Graulhet
Les rives du Dadou, au centre-ville de Graulhet, dans le Tarn. — H. Menal - 20 Minutes
Le baromètre des territoires montre que les habitants des villes moyennes s’estiment dépendants de leur voiture et mal servis en matière de transports.
« 20 Minutes » est allé voir comment s’en sortent les habitants de Graulhet.
Cette petite ville tarnaise n’a ni gare, ni autoroute
En pleine crise des « gilets jaunes », le baromètre des territoires réalisé par Ipsos pour l’association des villes de France montre que les villes moyennes ont la cote auprès des Français. Mais leurs habitants « jalousent » aussi ceux des grandes métropoles pour leur accès facilité aux transports. « 20 Minutes » est allé dans le Tarn, pour voir comment se déplacent les habitants d’une petite ville « enclavée » de 12.500 habitants.
Les villes moyennes ont toujours la côte. - Ipsos - Association des villes de France
A Graulhet, quand on n’a pas de voiture, il faut avoir du temps ou un patron compatissant. Ou les deux. Nicolas en sait quelque chose. Mardi, ce métallurgiste de 21 ans, « exilé » depuis un mois dans la cité du cuir, a raté son premier bus pour Gaillac où il travaille. « Je suis sûr que je vais attendre deux heures, lâche-t-il. La dernière fois j’ai tenté le stop ». Alors il attend, et attend encore. Le bus de 11h ne passe pas, celui de 12h35 est très en retard. Bonjour la fiabilité des horaires affichés.
Mohamed voyage lui aussi en stop au quotidien. « Pour le travail, mon patron me prête la voiture à chaque mission », assure-t-il.
Les habitants des villes moyennes trouvent qu'ils sont moins biens lotis en matière de transports. - Ipsos - Association des villes de France
Graulhet est au centre de tout : au cœur du Tarn, à équidistance d’Albi et de Castres. Et loin de tout en même temps : le premier échangeur d’autoroute est à 20km, les premières gares où attraper un TER vers Toulouse, celles de Gaillac ou Lavaur, aussi. « Pas d’autoroute, pas de train, pas de gare », résume Othmane. « L’absence de gare, c’est tout le problème », le rejoint Marie, commerçante en centre-ville. Cette Parisienne est arrivée il y a 10 ans pour retaper une ancienne mégisserie. Elle imagine que le prix de l’immobilier avantageux - 30 % de moins qu’à Albi ou Gaillac selon la maire - est la rançon à payer pour cet « enclavement », mais maintenant que son fils a grandi, elle mesure aussi la difficulté.
« L’absurdité du de 80 km/h »
« Je ne vais pas faire de promesse en l’air, il n’y aura pas de gare à Graulhet, c’est trop cher, trop compliqué », dit franchement le maire, Claude Fita. Le socialiste, qui ne sollicitera pas un troisième mandat en 2020, s’était donné pour mission d’améliorer le cadre de vie. « Nous avons réhabilité les friches industrielles, il n’y plus d’odeur, on pêche dans le Dadou et nous avons gagné 800 habitants en deux ans », se réjouit-il. Côté mobilité « externe », son équipe a misé sur la liaison avec Gaillac, dont la gare est bien cadencée vers Toulouse. La route à lacet est devenue un billard, droit et rapide. Sauf que « l’absurdité » du 80 km/h est passée par là. «Si seulement les députés avaient fait leur travail», regrette l’édile.
Graulhet, 12.50 habitants, est au coeur du Tarn mais pas des dessertes / Map4News
Dans la nouvelle gare routière de Graulhet, les bus du Conseil départemental vers Gaillac sont eux aussi (en théorie) nombreux. Il y en a quatre le matin entre 7h et 10h, à 2 euros le trajet, qui permettent de sauter dans le train de Toulouse pour un temps de trajet total allant de 1h à 1h28.
Sinon, il y a le bus direct de la Région vers Toulouse, qui fait beaucoup jaser en ille : « Albi-Toulouse, c’est 2 euros, Castres-Toulouse 2 euros, Mazamet-Toulouse 2 euros, et Graulhet-Toulouse… 12 euros, 24 euros aller-retour, vous imaginez pour un jeune couple ! », s’insurge Othmane*. 25,20 euros en fait. Les chauffeurs essuient souvent des remarques sur cette anomalie. « Il y en a même qui prennent le bus pour Castres pour aller à Toulouse?, c’est un sacré détour mais ça leur coûte 4 euros, parfois 2 en correspondance », raconte l’un d’eux.
Bientôt un bus à 2 euros vers Toulouse
Sur ce point, Claude Fita négocie sec. « Dans quelques semaines ou mois, je pense pouvoir annoncer un bus vers Toulouse à 2 euros », promet-il.
Il ne changera pas le quotidien de Sophie*. Cette mère de famille au chômage fait tout à pied ou dans la navette gratuite dont elle adepte. « Le mardi, je vais faire mes courses avec mais je me sens un peu seule, c’est dommage parce qu’on a fait le forcing pour l’avoir ». La Graulhétoise travaille dans l’aide à la personne. « Mais sans permis, personne ne veut de moi ». Elle a raté trois fois le code et n’a plus les moyens de retenter sa chance. Alors, le mardi, elle prend aussi la navette gratuite pour aller aux Restos du cœur.
* Les prénoms ont été changés
Gare routière Graulhet / N50G
Baromètre des territoires réalisé pour l’association Villes de France :
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Le premier "baromètre des territoires" montre la fracture du pays :
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