Présentation
Il revient à ma mémoire
Des souvenirs familiers
Je revois ma blouse noire
Lorsque j'étais écolier
Sur le chemin de l'école
Je chantais à pleine voix
Des romances sans paroles
Vieilles chansons d'autrefois
Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t'ai gardée dans mon cœur !...
Toutes les personnes de notre génération ont en mémoire cette chanson de Charles Trenet, même si elle a été composée avant notre naissance : c'est en effet en 1943 qu'il l'a interprétée pour soutenir les Français expatriés de force (prisonniers de guerre et travailleurs du STO).
C'est le titre que j'ai retenu pour cette nouvelle chronique qui va mettre à l'honneur la France de la première moitié du XXème siècle, et passer en revue éléments de société et évènements majeurs...
"Douce France" retracera la vie à la campagne ou en ville, au travail ou en vacances, à l'école ou lors de festivités, relatant également quelques évènements importants de la vie politique, sportive ou artistique...
L'objectif n'est pas de rédiger une dissertation exhaustive de l'histoire de cette période, mais de faire resurgir dans notre mémoire des instants de vie qui ont marqué les décennies écoulées entre 1900 et 1950.
"Douce France", certes ! Mais question douceur, cette période pourtant courte ne va pas être aussi clémente que cela !
Ce demi-siècle génère des bouleversements profonds, et nos aïeux ont dû affronter de terribles évènements qui ont profondément marqué le pays : guerres mondiales, révolution industrielle, grèves et crises,...
Le XXème siècle français (mais aussi européen) débute par la "Belle Époque", période s'étendant de 1895 à 1914, et qui est marquée par une certaine insouciance des populations, notamment aisées, et un réel progrès économique et technologique.
La "Belle Époque" se manifeste principalement dans la capitale et les plus grandes villes du pays ; la bourgeoisie française prospère et fréquente cafés, cabarets, salons, concerts ou galeries d'art...
En ce début de siècle, la France est la 4ème puissance mondiale qui, à l'image de Paris, se modernise et s'urbanise.
La troisième république (1870-1940), premier régime politique à s'imposer dans la durée depuis la Révolution, règne sur notre pays. En 1911, il compte 41 millions d'habitants...
Après la première guerre mondiale, la France vit ses "Années Folles" (1920 - 1929) ! Les Français veulent oublier les horreurs engendrées par le conflit et retrouver enfin le sourire.
Le progrès est en route, et la France découvre progressivement la danse, l'automobile, la radio, l'électroménager, l'art déco, le sport,... le tout sur fond de jazz venu d'Amérique avec les Alliés...
Dans la capitale, ces "Années Folles" se manifestent essentiellement à Montparnasse et à Montmartre, dans lesquels se rencontrent intellectuels et créateurs.
Des cafés prestigieux (la Coupole, la Rotonde, la Closerie des Lilas,...) accueillent entre autres les écrivains Henry Miller ou Ernest Hemingway, les peintres Modigliani ou Chagall...
Deux conflits mondiaux (14-18 et 39-45) viennent malheureusement marquer de leur douloureuse empreinte ce demi-siècle : guerre des tranchées, chemin des Dames, ligne Maginot, bombardements, maquis et Résistance, débarquements, armistices,...
La population française est rudement touchée et meurtrie : exode, perte d'un proche, destructions matérielles, appauvrissement, bouleversements politiques... 14-18 occasionna près de 9 millions de pertes humaines (dont 1 390 000 Français), et 39-45 environ 40 millions de morts (535 000 en France)...
A partir de 1931, notre pays traverse une importante crise financière qui occasionne baisse de la production et de la consommation, augmentation du chômage. C'est dans ces conditions qu'une coalition des partis de gauche remporte le 3 mai 1936 la majorité à la Chambre des députés.
Ce Front Populaire (appuyé par de nombreuses grèves et manifestations) introduit de nombreuses réformes historiques, notamment dans le domaine social : congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives,...
En ce début de siècle, la population française est essentiellement rurale (56 % en 1911), et 45 % de la population active est employée dans l'agriculture.
La grande majorité des paysans vit dans une exploitation de type familial traditionnelle, basée sur une polyculture à faible rendement. Chez les riches exploitants, les cultures habituelles (seigle, plantes textiles) déclinent au profit de productions nouvelles (fruits, plantes fourragères, spécialités régionales)...
La France rurale évolue au rythme des saisons, avec une main d'oeuvre familiale dans les petites exploitations, alors que les grands domaines pratiquent la "louée" de saisonniers.
Le travail des champs, peu mécanisé dans les années 1900, nécessite de nombreux savoir-faire : laboureurs, faucheurs, moissonneurs, vendangeurs,... Progressivement, de nouveaux engins agricoles prendront la place des animaux de trait...
Chaque village est à l'époque animé par les nombreux artisans qui y vivent, et travaillent essentiellement pour l'agriculture : forgeron, bourrelier, tonnelier, sabotier, vannier,...
En raison des difficultés et de la longueur des déplacements, chacune de ces petites localités possède également son propre rebouteux, son sourcier, son puisatier, son taupier, ses bûcherons ou charbonniers,... Autant de métiers qui ont parfois disparu de nos jours ou se sont grandement transformés !...
Face à la dureté du travail de la terre et à son moindre rapport, les jeunes quittent petit à petit la campagne pour s'installer en ville où la mécanisation croissante provoque une importante révolution industrielle.
Cet exode vers les centres urbains s'amplifie après la première guerre mondiale. La population ouvrière (6 millions en 1914) s'accroît donc considérablement, et les besoins en logement sont particulièrement importants...
Après 14-18, les grandes entreprises se développent et modifient territoires et habitudes : les machines se multiplient, différents corps de métiers cohabitent dans la même entreprise, le travail à la chaîne amplifie la production.
Ces nouvelles modalités de travail influent sur les déplacements des ouvriers, la garde de leurs enfants, la restauration de mi-journée, le développement de la formation professionnelle, leur condition de vie...
L'administration, les secteurs de la finance et de l'assurance (en pleine expansion également) recrutent de nombreux employés et les niveaux hiérarchiques s'y multiplient.
Longtemps éloignées des lieux de travail car cantonnées uniquement aux tâches ménagères, les femmes vont gagner lentement leur indépendance financière en ayant accès à certains emplois salariés...
Les progrès technologiques qui augmentent la production industrielle jouent également un rôle important dans le développement des transports. Les mines de charbon alimentent les machines à vapeur, avant que l'électricité puis le pétrole la détrônent.
Dans les premières décennies, le transport ferroviaire est particulièrement développé, utilisé aussi bien pour les marchandises que pour les passagers. De nombreuses petites voies ferrées se greffent sur le réseau national pour désenclaver les régions isolées...
Pendant longtemps à traction animale, les véhicules sont motorisés et provoquent une révolution dans les transports nécessitant la rénovation et l'accroissement du réseau routier, transformant ainsi le paysage.
De nombreux constructeurs développent leur activité dans notre pays, et multiplient les actions à fort retentissement pour marquer les esprits (par exemple la Croisière Jaune Citroën en 1931). L'automobile se met ainsi au service de l'industrie, de l'agriculture, de l'armée, des transports en commun,...
Déjà remarquables sur terre, les progrès technologiques permettent également la conquête de l'air et des océans ! Le premier aéroplane apparaît en 1890, et les pionniers de l'aviation doivent multiplier les exploits pour contrer doutes et polémiques.
Les meetings aériens drainent rapidement un nombreux public très enthousiaste, alors que les paquebots des mers deviennent de véritables villes flottantes ! Les hélices remplacent les roues à aube, et il faut à peine un peu moins de 15 jours pour traverser l"Atlantique...
A Paris, entre omnibus automobiles et tramways motorisés (appartenant à une dizaine de sociétés) et véhicules familiaux de toutes sortes, les rues sont particulièrement encombrées et les chevaux sont souvent affolés.
Afin de décongestionner les artères et pour préparer l'exposition universelle de 1900, la construction d'un métropolitain souterrain est lancée en 1898 malgré d'énormes contraintes techniques...
Si dans les campagnes on vit en totale autarcie grâce à la basse-cour et au jardin potager dans toute cette première moitié du siècle, en ville on s'approvisionne dans les marchés ou les halles, ainsi que dans les petits commerces de quartier.
En temps normal la ménagère n'a aucune difficulté à remplir son panier, mais les produits de première nécessité font cruellement défaut lors de l'Occupation : même les tickets de rationnement ne garantissent pas l'accès au minimum vital, et une grande partie de la population française souffre de la faim...
On le sait, pour le Français la table est sacrée et la famille se retrouve réunie pour les trois repas incontournables de la journée. Ce mode de vie volera progressivement en éclat en raison de l'industrialisation, de l'urbanisation et de la professionalisation des femmes.
Un pourcentage de plus en plus important de citadins mange alors à l'extérieur du domicile, entreprises et écoles proposant leur propres cantines. Le temps de la marchande de soupe est révolu, et de nouveaux modes de restauration apparaissent : cafétérias, selfs-services,...
La cohésion familiale se manifeste lors des fêtes ou cérémonies respectant des traditions ancrées dans la nuit des temps. Qu'elles soient d'origine religieuse, profane ou patriotique les multiples occasions de retrouvailles qui jalonnent l'année permettent de resserrer les liens familiaux.
Mariages, baptêmes, anniversaires, obsèques célébrés dans l'intimité de la famille se rajoutent aux fêtes traditionnelles : noël, pâques, chandeleur, carnaval, 1er mai, 14 juillet, fêtes patronales, etc...
Grâce aux récentes lois de Jules Ferry, l'école républicaine est née : gratuite, obligatoire, laïque. Ouverte à tous, et non plus seulement réservée à une élite, elle joue un rôle social important en plus de transmettre des connaissances.
La fin du XIXème et le début du XXème siècles vont être profondément marqués par cet accès à l'instruction : il faut former des maîtres, construire des écoles, et persuader l'ensemble de la population du bien fondé de cette démocratisation de l'accès au savoir...
En 1900, seule une infime minorité d'aristocrates part en vacances, parfois en cure dans les villes d'eau, souvent à la découverte culturelle des grands sites et villes de notre pays ou des nations voisines.
Les 15 jours de congés payés promulgués par le Front Populaire permettent à de nombreux citoyens (surtout les jeunes) de profiter de leurs premières vacances lors de l'été 1936 : on part à pied, à vélo, à moto ou avec les transports en commun ; on découvre le littoral ou la montagne, on s'offre la vie au grand air...
Certes, cet accès aux loisirs ne s'effectuera que très lentement (en 1950, 15 % de la population française seulement part en vacances), et même si beaucoup ne peuvent partir à l'aventure, ces deux semaines de repos seront particulièrement appréciées.
Certains retournent dans leur famille à la campagne, d'autres partent danser dans les bals ou les guinguettes. On organise des pique-niques, des journées de pêche à la ligne ou de canotage. Les enfants découvrent leur première colonie, alors que leurs parents goûtent aux joies du camping...
Alors que certains pays voisins ont déjà intégré le professionalisme dans la pratique du sport, la France défend le principe de l'amateurisme, illustré par Pierre de Coubertin qui relance les Jeux Olympiques modernes.
Pourtant la France ne sera pas en reste pour accueillir ou créer des compétitions légendaires, et notamment la plus grande course cycliste internationale : le Tour de France. Mais grâce à certains athlètes, elle s'illustrera aussi dans les Jeux Olympiques, le tennis, la boxe, la course automobile, le football, etc...
La France marque la fin du XIXème siècle en organisant en 1900 à Paris sa cinquième Exposition Universelle qui connaît un succès retentissant. Pendant ses 212 jours d'ouverture, elle accueille sur 216 hectares 83 000 exposants et établit avec 51 millions de visiteurs un record de fréquentation.
La ville de Paris s'en trouvera notoirement transformée : ouverture du métropolitain, réalisation de nouvelles gares (Orsay, Lyon, Invalides), agrandissement de ponts sur la Seine et création de passerelles, construction du Petit et du Grand Palais, d'une grande roue de 100 m de diamètre (démolie en 1937)...
Ce début de siècle connaît également un important bouleversement sur le plan de la culture : développement du cinéma et de la grande presse, généralisation des manuels scolaires, invention du phonographe, importance prise par la chanson,...
La France entre dans l'ère des communications à distance, qui se répandront (très) lentement dans les foyers : téléphone, radio (à partir de 1920), alors que la télévision effectue ses premiers pas (1948)...
En un demi-siècle, notre pays va connaître de grands bouleversements, des révolutions technologiques, des évolutions sociales et réaliser de nombreux progrès dans de nombreux domaines, sur le plan des valeurs, de la façon de vivre ou de penser.
En 1900 l'espérance de vie en France était de 46 ans ; elle est actuellement de 81 ans ! En 1950 on dénombrait 300 centenaires, on en escompte 200 000 en 2060 !
La présentation succincte qui précède laisse apparaître les principaux chapitres qui composeront cette nouvelle rubrique et qui seront mis en ligne petit à petit. De nombreux documents d'époque illustreront les propos développés dans cette chronique.
La photographie n'en étant en 1900 qu'à ses balbutiemments, il faudra être indulgent avec la qualité des documents reproduits (certains sont plus que centenaires) : les appareils photographiques de l'époque sont lourds et volumineux, les techniques de laboratoire encore rudimentaires !...
Douce France par Charles Trenet :