Graulhet : pages tarnaises
 



Le Tarn, encyclopédie illustrée

Michel Demelin & Alain Zambeaux - 2004

Graulhet et ses cent usines (extraits)

En 1879, Laurent Maffre, le premier magistrat de la commune de Graulhet le dit fort bien : "Ces établissements (il parle des mégisseries) ont le grand inconvénient d'évaporer une odeur insupportable, à laquelle heureusement tout le monde est habitué, comme les habitants de Grasse à la fleur d'oranger". Fleur d'oranger, fleur de peau...

Car Graulhet est une société qui s'est voulue longtemps close, fière de ses patrons mégissiers et maroquiniers à l'indépendance ombrageuse, durs à la tâche, exigeants vis à vis d'une main d'oeuvre subissant comme eux des conditions de travail et de vie difficiles.

Le patron graulhétois, le plus souvent à la tête d'une très petite entreprise, s'entoure de quelques ouvriers nés dans le même quartier que lui, Panessac, Saint-Jean, recrutés dans une relation de type presque féodal. Il se fait un honneur de connaître autant le travail de la rivière que celui du séchoir.

Ce rapport de connaissance, de connivence mise en avant ou parfois imposée, a fortement marqué les relations sociales dans une ville qui a fait venir dans ses usines la grande immigration des années 1960.

En 1967, hier et il y a très longtemps, les 2 500 ouvriers des 109 mégisseries de la ville abattent leurs 49 heures hebdomadaires. Carnets de commande pleins, certitudes d'une ville qui proclame sur les flammes apposées par la Poste : "Graulhet centre mondial de la peau à doublure".

Dire d'abord que ce travail de rivière, terme générique pour qualifier la série d'opérations subies par la peau brute, exige par force l'eau. Cette eau est disponible à Graulhet, par le Dadou venu des hauteurs de l'est du Tarn, et son affluent le Verdaussou. Tous deux traversent la ville, offrent depuis le moyen-âge la force motrice aux moulins...
 



Le Tarn et ses pays

Photographies de Donatien Rousseau - 2001

Mosaïques tarnaises (Extraits)

L'unicité du Tarn, c'est sa diversité. Il est variété de paysages, de terroirs, de cultures. Tous les reliefs, tous les paysages se retrouvent dans le Tarn. Ici, les diversités font la complémentarité.

Unique et beau, incroyablement divers dans sa composition bioclimatique et géologique, avec la tête au sud du Massif Central, les épaules dans le Bassin Aquitain et les pieds à proximité de la Méditerranée, le Tarn est tout sauf uniforme.

Terre florissante pour le commerce et l'industrie, le Tarn a préservé un riche patrimoine de maisons médiévales, d'hôtels particuliers, de bastides et châteaux de la Renaissance.

Ce sont les hommes qui marquent le territoire, le dessinent et le sculptent. Le Tarn n'échappe pas à cette dialectique historique. Il a développé au fil des siècles des industries, un artisanat et des centres économiques propres à chacun de ses pays.

La variété des terroirs tarnais se retrouve dans la variété des cuisines qui y font souche, parfois surprenantes d'originalité. Cette singularité peut provenir des produits (on pense tout de suite au respountsou sauvage), ou encore à la manière de les accomoder : la cassoulet à la graulhétoise, par exemple, ne ressemble à aucun autre.

Capitale française de la mégisserie et de la maroquinerie depuis le milieu du XIXème siècle, Graulhet, au bord du Dadou, se bat pour pérenniser un savoir-faire exposé à la Maison des Métiers du Cuir. A l'issue de la visite guidée, vous pourrez acheter un article en cuir et poursuivre en flânant dans la vieille ville. De préférence dans le quartier de Panessac, où se dresse l'Hostellerie du Lion d'Or, l'une des plus vieilles maisons du sud de la France...
 



Tarn pays de contrastes

Hiver-Bérenguier, Jungblu, Rousseau - 1998

(Extraits)

C'est à pied que l'on comprend le Tarn !

Regarder, marcher, contourner, revenir et regarder encore...

Faire plusieurs fois le tour de la bastide sous les arcades ou les pountets, grimper au soleil la rampe courbe des remparts, puis la redescendre. Plonger son regard sur la vallée où l'eau sinue, s'insinue, louvoie contre les champs de toutes les couleurs, monter la colline ou le roc jusqu'au point de vue. Flatter le chien qui vous laissera entrer dans la cour des fermes et boire l'eau fraîche des thérons. Dévaler le sentier qui seul, mène à l'église romane, contre la touffe d'un petit bois.

Tout, dans le Tarn, vaut le détour !

Mais une telle diversité ne peut se conquérir que lentement, et c'est à nous d'avoir ce regard, à nous seuls, avec patience et passion, comme le font les Tarnais, avec cette lenteur minutieuse et le respect des coutumes, en un mot avec gourmandise.

Trois cours d'eau : déjà la région est triple (Tarn, Dadou, Agout) avant d'être plurielle. Le Tarn se gonfle, charrie la terre fauve de Camarès, et roule ses bouillonnements écarlates. Plus au sud, l'Agout reste vert émeraude, et le Dadou se noircit aux pigments des tanneurs de Graulhet.

Le Tarn, depuis des siècles, est un pays de polyculture et d'élevage. Aux verdures des pâturages en prairie répondent le blond pâle des avoines folles, les fleurs bleues des champs de lin auxquels s'ajoutent le rose des fleurs de pommiers. Plus tard, le jaune paille des moissons et les larges soleils à coeur noir des tournesols.

Le vent d'autan disperse les feuilles de toutes teintes, jaunes mouchetées de rouille, encore vertes, déjà pourpres, brunes, mordorées...
 



Guide du Tarn

Jean Roques - 1973

Extraits...

Les routes tarnaises frissonnent au vent froid des terreurs passées. Ici l'histoire n'a jamais souri. Le vingtième siècle déclinant ferme ses portes. La mémoire collective achève de véhiculer les Romains, les Anglais, Simon de Montfort, les guerres des seigneurs, la "bando negro" et la Révolution.

Les pages qui suivent sont à prendre pour ce qu'elles sont : des repères. Chaque pas dans un pays lève des questions dont on pressent que la solution est à chercher dans la géologie, la géographie, l'économie, dans les détours de l'histoire qui ont modelé un type, le Tarnais !...

Graulhet avait un château fort dont le nom apparaît pour la première fois sur un parchemin en 961 par lequel Raymond 1er, comte de Rouergue, en fait don à son fils. Il passa de la maison d'Alaman dans celle du vicomte de Lautrec qui le posséda jusqu'au XVIème siècle, puis dans celle des Aubijoux et Amboise. Il fut détruit après les guerres de religion.

La rue de Panessac : le Graulhet primitif serrait ses rues et ses maisons sur une butte rocheuse naturellement défendue par le Dadou et le profond ravin (en voie de comblement) du Verdaussou, dont le nom printanier camoufle celui original de Merdaoussou qui dit mieux le rôle d'égout que jouait le ruisseau dans sa traversée urbaine ! Un pont construit au XIIIème siècle fait communiquer le bourg fortifié avec le quartier extérieur de Saint-Jean. Un nom de place et celui d'une rue indiquent l'emplacement du château disparu.

Sur la route qui bifurque vers Briatexte, un chemin s'ouvre entre deux sapins et conduit à Saint-Pierre de Rozède, caché par un rideau de verdure. Construction curieuse : à l'église romane terminée par un clocher-mur on a ajouté un prolongement gothique plaçant ainsi le clocher au milieu de l'édifice. L'absence presque totale d'ouvertures et la présence d'un fossé indiquent une église rurale fortifiée...
 



Les noms de lieux du Tarn

Ernest Nègre - 1972

Extraits...

Les noms de lieux avaient évidemment un sens dans la langue des hommes qui les ont créés. S'ils étaient tous en français, ce serait facile de les comprendre. Mais le français chez nous est une langue d'importation récente : elle ne s'est introduite qu'au XVIème siècle, et n'a pas fait disparaître la langue locale, l'occitan, appelé couramment le patois.

L'occitan existe depuis le Xème siècle, il est issu de la langue romane, qui est issue elle-même du latin, apporté en Gaule par les Romains, et qui a subi l'influence des langues germaniques. Le latin n'avait que lentement supplanté le gaulois, dont l'influence s'est fait longtemps sentir dans les noms de lieux. Les Gaulois étaient aussi des envahisseurs, et des langues antérieures au gaulois il reste quelques survivances dans les noms de lieux...

Agros : la base *as se dégage de noms de cours d'eau du sud de l'Italie, et se trouve dans "Assou" et "As-gros", affluents de droite du Dadou (origine antérieure au gaulois).

Arifat : issu d'un nom de personne germanique devenu un nom de lieu sans suffixe.

Briatexte : (issu d'un nom de personne) bastide fondée en 1291 par Simon Briseteste, sénéchal de Carcassonne.

Brousse : remonte au bas latin *bruscia, broussaille.

Busque : vient de l'occitan *busca : fêtu, débris de paille ou de bois, qui a dû avoir autrefois le sens de buisson, broussaille.

Cabanès : vient du nom d'une habitation médiocre *cabana, cabane.

Cadalen : vient de *Catalonius, nom de personne romaine, dérivé de Catalogne (Cathalonia), attesté dès 806.

Candeil : vient d'un nom de Gaulois, *Candel.

Crins : pourrait être le pluriel du nom de personne romain *Crinius, "champs de Crinius".

Fiac : formé sur le nom de personne romain *Afius.

Graulhet : est le dérivé en *et de *granolha (grenouille), avec le sens collectif "grenouillère".

Labessière : dérivé de *bès, bouleau.

Laboutarié : *botaria, atelier de tonnellerie.

Lasgraïsses : est le pluriel de l'ancien occitan *graissa, "fertilité".

Moulayrès : de l'ancien occitan *molin molaretz, "moulin à foulon".

Peseignes : du matériau de construction *pesenha, "en pisé".

Peyrole : vient de *peira, et contient le suffixe *ol : "ensemble de pierres".

Razisse (ou Rasisse) : est l'occitan *rasissa : friche, terre inculte.

Técou : est un nom de personne gaulois, *Tecco

Vernière : vient de *vernhe, aune.
 



Tarn

Éditions Bonneton - 1991

Extraits...

Itinéraire balisé des plus sûrs repères historiques, ou évocation plus subtile des coutumes et traditions populaires qui tissent la trame d'une "conscience tarnaise", cette véritable encyclopédie nous entraîne au coeur d'un terroir toujours bouillonnant d'initiatives et frissonnant de poésie...

Les loups-garous sont signalés dans un procès à Castres au XVIIIème siècle, puis dans les légendes du XIXème siècle, notamment à Graulhet où il semblerait qu'ils aient hanté les bords de la rivière Dadou au gué de la Bressolle.

La molasse constituée essentiellement d'éléments fins, facilement mobilisés par les eaux courantes, est en effet très sensible à l'érosion. Lors d'orages exceptionnellement violents, de véritables nappes d'inondation peuvent aussi balayer certains versants en bordure des grandes vallées, déposant limons et argiles à l'aval des parcelles et sur les routes : juin 1987 dans la région de Sénouillac, août 1990 près de Graulhet.

Albi et Castres exercent les rôles majeurs. Quatre autres villes plus petites, parmi lesquelles Graulhet et Gaillac dépassent les 10 000 habitants, exercent les fonctions de centres secondaires, outre pour certaines d'entre elles quelques spécialisations tertiaires ou industrielles, ces dernières particulièrement affirmées à Graulhet.

La mégisserie, qui travaille les peaux de caprins et surtout d'ovins, est une industrie de petites et moyennes entreprises : elles étaient environ 120 vers 1975 à l'époque où cette activité employait 4 000 personnes. Graulhet, ancienne ville de tannerie, a vu la mégisserie se développer après 1840.

La chimie est liée aussi initialement aux besoins du textile ou de la mégisserie : cas des Ets Weishardt, installés à Graulhet au début du XXème siècle, pour y produire des colles fortes à partir des peaux. Elle fournit aujourd'hui des gélatines, à plus de 60 % exportées, aux industries alimentaires, pharmaceutiques et photographiques...
 



Les itinéraires médias Tarn

Itimédias éditions


Graulhet (Extraits) :
Cité millénaire, Graulhet est née sur un promontoire naturellement défensif entre Dadou, ruisseau du Verdaussou et marécage du Jourdain où les grenouilles coassaient en masse (Graulhet pourrait venir de "granolha" signifiant grenouille en occitan).
Au coeur du pays de Cocagne, la cité a prospéré grâce à son petit port de transit pastelier, le pastel occitan étant considéré comme le meilleur d'Europe à la Renaissance. Au 19ème siècle, elle devient la capitale mondiale du cuir. Ville à la campagne, elle séduit grâce à la diversité et la beauté de ses paysages, ainsi que la richesse de son patrimoine architectural...

 



Lot, Aveyron, Tarn

Géoguide - Guides Gallimard (2014)


Graulhet (Extraits) :
On trouve des mentions de l'ancienne place forte de la région dès le Xème siècle. Son petit port sur le Dadou favorisa son développement à l'âge d'or du pastel. Mais c'est au XVIIIème siècle que la ville prend son véritable essor grâce à l'activité qui lui a valu une renommée mondiale, celle du cuir.
Aujourd'hui cette cité de 12.000 habitants est marquée par le déclin économique, mais retrouve  un certain dynamisme grâce aux compagnies artistiques qui occupent les vieilles usines tels les Plasticiens Volants et le Théâtre du Rugissant...

 



La vie d'autrefois dans le Tarn

Régis Granier - Éditions Sud-Ouest


Graulhet (Extraits)
La principale industrie de Graulhet a toujours été celle des cuirs. On relève dans une note de 1552 : "Les tanneries de cette petite ville sont renommées". Notre cité comptait beaucoup de cordonniers (grouillers en patois) qui utilisaient sur place les cuirs des tanneries graulhétoises...

 



Le Tarn 1900-1920

Jean-Claude Souyri - De Borée Éditions


Intérieur de mégisserie (Extraits)
Les locaux n'étaient pas commodes ni surtout bien éclairés, c'étaient souvent des coins et des recoins où les cuves de tannage se logeaient comme elles pouvaient... On allait rafraîchir les peaux à même le Dadou...

 



Connaître le Tarn

Fabienne Carme - Éditions Sud-Ouest



Graulhet, la cité du cuir (Extraits)
En moins de 30 kilomètres, le Dadou s'alanguit dans les plaines de Crins et de Saint-Pierre à proximité de Graulhet. Les terres labourables se sont réduites depuis l'après-guerre au profit de lotissements, d'usines et de complexes sportifs...
Installée sur une butte rocheuse dans un méandre du Dadou, la ville conserve quelques vestiges de son passé médiéval. Des ruelles étroites, sombres et tortueuses où s'enchevêtrent les maisons à colombages et encorbellements, forment le pittoresque quartier de Panessac...

 


Le Tarn d'antan

Joëlle Porcher - HC Editions  (2012)



Le Tarn, industrieux et conquérant
Le Tarn présente une grande diversité de paysages, des vignobles du Gaillacois à la forêt de Grésigne, du Sidobre rocheux et escarpé aux rives de l'Agout. Au début du XXe siècle, c'est un pays encore essentiellement rural. La vie au village n'a pas vraiment changé depuis des décennies, mais on sent dans ce département comme un frémissement, un esprit que l'on qualifierait aujourd'hui "d'entrepreneurial", qui préfigure le développement industriel à venir. Car en 1900, le Tarn compte déjà des industries florissantes comme le textile à Mazamet, le cuir à Graulhet, les mines de charbon de Carmaux et de Cagnac ou encore la métallurgie à Saint-Juéry. Les villes s'embourgeoisent doucement grâce à ces entreprises et au développement du commerce.

Les Tarnais semblent donc prêts à accueillir à bras grands ouverts toutes les innovations techniques. Et ce progrès arrive à pas de géant avec le chemin de fer qui raccourcit les distances, avec l'électricité qui alimente les usines, avec les machines à vapeur qui facilitent le travail. La bourgeoisie locale voit dans l'émergence de ces nouvelles techniques une possibilité de développer ses affaires ; les ouvriers, eux, sont partagés entre la possibilité d'avoir des conditions de travail moins dures et la crainte de se voir remplacés par des machines.

Ce début du siècle est aussi la période où les villes changent radicalement d'aspect. La construction des gares réoriente les centres villes, entraîne le percement de grandes avenues. À Albi, tout le vieux quartier autour de la cathédrale est rasé ; Castres se dote d'une place Royale et voit des immeubles s'édifier le long de ses avenues ; à Rabastens, les fossés sont comblés pour laisser place à une promenade... Des transformations qui séduisent et effraient en même temps les Tarnais de l'époque. Les villes du XXe siècle se doivent d'être aérées et saines. On voit d'ailleurs poindre ce souci hygiéniste avec le développement du sport, jusque dans les écoles, ainsi que du thermalisme : Lacaune-les-Bains accueille alors ses premiers curistes, dans une ambiance de fête.

Ce sont pourtant ces "progrès" qui entraînent les mouvements sociaux des années 1909-1911 et les grandes grèves dans les mines, les verreries et les usines de délainage. Les ouvriers revendiquent leur part : salaires plus élevés, journées de travail moins longues. Fortement syndiqués, avec Jean Jaurès à leurs côtés, ils obtiennent gain de cause. Juste avant que la Première Guerre mondiale ne vienne mettre un terme brutal à cette "Belle Époque". (Source : Amazon.fr)

L'auteur, Joëlle Porcher / Photo DDM




 



 
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