Sivens : Sur les traces du cèpe avec un passionné de mycologie
Philippe Durand, président de l’association de Sciences Naturelles du Tarn / Photo DDM
Il est 9 heures, la voiture quitte la route départementale pour un chemin de terre. Une centaine de mètres...Le parking de la maison forestière de Sivens nous attend. On descend du véhicule, on ouvre le coffre, on s’équipe : chaussures imperméables, veste robuste pour se protéger des ronces, poche plastique. A deux pas de là, Philippe Durand, 68 ans, le président de l’association de Sciences Naturelles du Tarn est au rendez-vous. Panier à la main, il discute avec une responsable des lieux. Mieux vaut ranger cette poche plastique. «C’est déconseillé pour la cueillette. Les champignons que vous allez ramasser peuvent fermenter et devenir non comestibles». On a retenu la leçon.
«Il faut être bon connaisseur»
Après une brève présentation, le top départ est lancé. Pas de précipitation, de pronostics démesurés, le spécialiste ne commence pas une partie de chasse aux cèpes. «Mon panier à moi, c’est l’appareil photo», précise-t-il, boîtier autour du cou. Dès les premiers regards au sol, le passionné s’agenouille, tend la main et explique. Malheureusement, ce n’est pas le roi des champignons. Mais un toxique et amer, considéré comme mortel au Japon. «Il faut être bon connaisseur pour ramasser les champignons. Ne prenez que ceux dont vous êtes sûrs de la comestibilité», prévient Philippe Durand.
Il s’arrête quelques mètres plus loin, feuillette le livre de Robert Rouanet qu’il a préfacé : «C’est important d’avoir avec soi un bouquin, de préférence récent. Car certaines espèces qui étaient comestibles autrefois, le sont moins aujourd’hui». Après vérification, il s’agit de russules, une variété omniprésente dans la forêt. «S’il pouvait y en avoir autant que les cèpes», soupire le chercheur. Son expression en dit long sur les chances de faire une bonne cueillette. Des queues de cèpes coupées, des spécimens renversés : l’omelette annoncée sera peut-être orpheline de saveur. Alors, pour passer le temps, on se rabat sur les non comestibles, en apprenant à les connaître, les identifier. ça peut aider pour éviter l’intoxication. «Il existe près de 5500 espèces en France. Seulement 0.5% sont comestibles.
A la base, les champignons ne sont pas alimentaires. Ils sont hétérotrophes, c’est à dire qu’ils sont incapables de se nourrir par leurs propres moyens. Il y a les parasites, ceux qui s’attaquent à des êtres vivants, les symbiotiques, qui vivent en association avec un végétal et il y a aussi les saprotrophes qui se nourrissent de végétaux morts», explique le spécialiste. La parenthèse SVT refermée, il est temps de se concentrer sur les talus au bord des sentiers. «Un endroit propice pour le cèpe». Au bout de quelques minutes, c’est le soulagement. La récompense vient enfin : un beau cèpe bronzé, bien frais, même si le pied du champignon regorge de petits vers. Philippe Durand sort son couteau pour nettoyer le trésor. On a sauvé l’honneur !
Amanite phalloïde
Sur le chemin du retour, d’autres belles surprises sont venues garnir le panier. Une russule charbonnière comestible entre autres. Un dernier cliché sur une amanite phalloïde, de couleur doré, à ne pas confondre avec l’amanite Tue-mouche de couleur rouge, et notre sortie mycologique touche à sa fin. Bilan : 1 cèpe, une cinquantaine d’espèces de champignons observées et un bon bol d’air frais pris. Philippe Durand, lui, donne déjà rendez-vous aux amateurs de champignons pour une sortie mycologique le 26 octobre à 14h30, à la maison départementale de Sivens.
Renseignements pour la prochaine sortie mycologique : 05 63 33 10 23.
Ces timides cèpes
Robert Rouanet (à droite) lors d'une exposition mycologique / Photo DDM
«Ils commencent à sortir». Pour Robert Rouanet et les membres de la Société de Sciences Naturelles du Tarn, les cèpes ne poussent pas à foison dans le département. De beaux spécimens ont été ramassés en Grésigne, le week-end dernier.
En milieu de semaine, c’est du côté de la Montagne Noire qu’ils ont montré le bout de leur chapeau.
Mais là encore rien d’exceptionnel : 1,5 kg par ci, 2 kg par là. De quoi remplir une bonne poche. Dans le Sidobre, «c’est la misère», on les cherche encore. Enfin, dans le nord Tarn et sur les monts de Lacaune, la cueillette ne dépasse pas les 3 kg. Signe d’une pousse exceptionnelle en novembre ? Sait-on jamais. G.C
Champanet : «Attention aux lamelles»
Bernard Champanet, président du syndicat des pharmaciens du Tarn / Photo DDM, Jean-Marie Lamboley.
Bernard Champanet est le président du Syndicat des pharmaciens du Tarn. Spécialiste de la mycologie, le gérant de la pharmacie albigeoise donne les conseils à suivre pour une cueillette et une dégustation en toute sécurité. Il revient aussi sur l’abandon prochain de l’étude des champignons à l’université.
Quels conseils donneriez-vous à un chercheur novice ?
La plupart des gens qui ne connaissent pas bien les champignons les ramassent en quantité, les mélangent dans des poches en plastique où ils peuvent fermenter et se casser. Il faut les ramasser entiers dans un panier et faire attention aux champignons à lamelles. Je leur préconiserai de ne ramasser que les champignons à tube. Il y a moins de risques d’intoxication, même s’il y a toujours le bolet de Satan. Le chercheur doit être vigilant, car l’ingestion de certaines espèces peut provoquer des troubles plus ou moins graves, parfois mortels.
S’il y a doute ?
Si on a un doute, on se rend en pharmacie. Un champignon à volve et anneau est à jeter. Les bolets qui bleuissent ne sont pas forcément mauvais, bien au contraire. Vous savez, même un champignon qui sent bon, qui est joli peut être toxique.
De moins en moins de pharmaciens sont aujourd’hui formés à la mycologie. Un vrai problème ?
Oui, heureusement qu’il y a les vieux pharmaciens. À ce jour, les jeunes peuvent encore conseiller les chercheurs de champignons. Mais bientôt, il faudra une formation spécifique. C’est dommage, j’encourage les pharmaciens à étudier la mycologie. Je suis favorable à ce qu’elle revienne dans les programmes d’enseignement des universités.
Centre antipoison de Toulouse, hôpital Purpan : 05 61 77 74 47.
Publié le 15/10/2013 à 09:07 Gisèle Dos Santos
Vaïssac : Pas de marché aux cèpes depuis quatre ans
Depuis quelques semaines, Vaïssac, la capitale du cèpe attend impatiement une poussée, qui tarde à venir. Les têtes de nègre se font désirer et la fraîcheurs de ces derniers jours n’est pas favorable.
C’est la saison des cèpes, mais y en aura-t-il à Vaïssac, capitale du cèpe depuis plusieurs décennies grâce à son marché renommé pour ses têtes de nègre?
Le maire Francis Delmas est plutôt pessimiste: «La semaine dernière, on en a trouvé quelques uns, mais pas en quantité suffisante. Avec la pluie et la chaleur, il y avait un petit espoir, mais la météo n’est pas favorable puisqu’on nous annonce du vent froid pour cette fin de semaine et je crains que ce ne soit fichu pour cet automne. Car pour ouvrir le marché, il faut au moins un tonne de cèpes. Depuis octobre 2006, date de notre dernier gros marché, puis en 2010 où on a ouvert un tout petit marché, il n’y a plus eu suffisamment de cèpes à Vaïssac» commente le maire.
Il s’en est bien trouvé quelques uns dans les bois par ci par là, aux alentours et dans certaines communes voisines, mais rien à voir avec l’abondance des autres années. Les propriétaires de bois désespérent de voir pousser le précieux basidiomycète. Chacun y va de son analyse: trop d’eau, pas assez d’eau, températures trop élévées ou trop froides, les spécialistes du coin se perdent en conjoncture.
Installé depuis 1946, juste après la Libération, dans la maison familiale, au milieu des bois, André Aurimont, grand amateur de cèpes nous livre le fruit de ses observations quotidiennes. Agriculteur à la retraite, il connait ses bois comme sa poche et sait reconnaître les premices d’une éclosion imminente.
Une histoire de lune et de température
«Il y a toujours eu des cèpes à Vaïssac. Mais ces 4 dernières années, ils se font plus rares. J’en ai trouvé quelques uns la semaine dernière, mais très peu, car cette année, les conditions climatiques n’ont pas été idéales. Pour que les cèpes poussent, il faut que toutes les conditions soient réunies et qu’il pleuve à la bonne période et au minimum 50 mm. Mais c’est juste 50 %du problème.
Pour une germination lente et sûre, il faut une température entre 18° et 22°. Le vent du Nord n’est pas favorable, le vent d’autan dérange. S’il y a trop de pluie, la fermentation du mycélium est retardée.
Autre paramètre essentiel: la lune. Il faut qu’il pleuve à la nouvelle lune et suivant la température 8 à 10 jours plus tard, au moment de la pleine lune, et du dernier quartier, les cèpes poussent. Ce sont les caprices de la nature. Et quand les oronges sortent, c’est la fin des cèpes» commente ce connaisseur, incollable sur ses champigons préférés.
Mais ne lui demandez pas de vous emmener chercher des cèpes. .. C’est un secret bien gardé, car André ne cherche pas les champignons, il les ramasse: «Je connais une trentaine de «nids» et même ma femme ne sait pas où ils se trouvent. Je dévoilerai les emplacements seulement dans mon testament» lance-t-il avec un soupçon d’espièglerie.
Des propos confirmés par son épouse Jeannine: «Moi, je l’attends avec la poêle à la main» dit-elle en riant «mais je connais aussi quelques nids et je ne les lui montre pas non plus.»
On ne badine pas avec les cèpes!
En tout cas, ce n’est pas en cette année de disette, que les ramasseurs vont se bousculer dans les bois. Le secret des nids est bien gardé.
Le chiffre : 1 tonne de cèpes> est nécessaire. Pour ouvrir le marché de Vaïssac. Pour éviter le pillage et le saccage de leurs bois, il y a quelques années, les propriétaires ont créé une association de défense, destinée à réglementer les ramassages illicites.
Conditions favorables à la sortie des cèpes :
"Il faut qu'il pleuve à la bonne période et au minimum 50 mm.
Pour une germination lente et sûre, il faut une température entre 18° et 22°.
Le vent du nord n'est pas favorable, le vent d'autan dérange.
S'il y a trop de pluie, la fermentation du mycélium est retardée".
Autre paramètre essentiel : la lune.
"Il faut qu'il pleuve à la nouvelle lune et suivant la température 8 à 10 jours plus tard, au moment de la pleine lune, et du dernier quartier, les cèpes poussent.
Ce sont les caprices de la nature... Et quand les oronges sortent, c'est la fin des cèpes"
Les principaux champignons comestibles :
Le cèpe :
Roi des champignons, il est le plus prisé dans les bois. De Bordeaux, à tête noire, d'été ou de pin, le cèpe est identifiable grâce à son chapeau ferme et son gros pied. Son parfum fait l'unanimité auprès des gourmets.
La girolle :
C'est le champignon sylvestre le plus consommé en France. La cueillir petite de préférence. Les girolles du mois de juillet sont meilleures pour le palais que celles d'automne.
Le pied de mouton :
De couleur jaunâtre, l'hydne sinué de son vrai nom, a la particularité de posséder des aiguillons sous son chapeau. Il est facilement reconnaissable. On peut en trouver en grande quantité dans un espace réduit.
L'oronge :
De couleur orange, l'amanite des Césars ne doit pas être confondue avec l'amanite tue-mouche de couleur rouge. Un champignon assez rare et délicieux.
Les autres variétés :
La coulemelle, ou lépiote élevée (ci-dessus) ; l'agaric champêtre ; le lactaire délicieux ; la trompette de la mort ; la russule charbonnière ; la morille (printemps) ; la truffe ; ...
Trompettes de la mort / Photo SporesXtrème
Dans les Monts de Lacaune :
Au 15.10.13 :
Débutée mi-septembre, la pousse est cette année assez chaotique dans le Haut-Languedoc, très inégale d'un secteur à l'autre, très irrégulière d'un milieu à l'autre, très variable d'un jour à l'autre !
Ainsi, les chercheurs qui se trouvaient au bon endroit au bon moment ont réussi de belles cueillettes, alors que d'autres se sont parfois contentés d'une misère au fond du panier...
Sols secs, précipitations insuffisantes, gelées précoces et chaleur irrégulière n'ont pas permis -jusqu'à présent- de rééditer la très bonne saison de l'automne dernier.
Toutefois les cueilleurs assidus ont pu revenir de chaque sortie avec de quoi réaliser de bonnes poêlées, non seulement de cèpes, mais aussi de girolles ou de pieds de moutons (en avance sur le calendrier au cours de cet automne).
(Photos SR : Simon Rodier)
Article du 14 novembre 2013