Quand la Garonne sort de son lit

17/12/2019



Mis à jour le 16/12/2019 09:27  | La Dépêche du Midi |  Frédéric Abela

Inondations : comment les habitants d'un village du Lot-et-Garonne affrontent une crue "atypique"


La Garonne est montée à 8,35m ce dimanche 15 décembre, dans  le village de Couthures-sur-Garonne (47) / DDM

[Dimanche], à Couthures-sur-Garonne, non loin de Marmande, l’eau est montée à 8,35 mètres. De quoi inquiéter les riverains qui se prémunissent en cas de forte inondation. Une crue « atypique » par son niveau d’eau a indiqué la préfecture du Lot-et-Garonne.  
Une Garonne déborde et vient chatouiller les pieds de l’église, place de la Calle, à Couthures-sur-Garonne, non loin de Marmande (47). Ici, l’eau est montée à 8,35 mètres. De quoi nourrir une réelle inquiétude auprès des habitants de ce village qui ont pourtant apprivoisé depuis bien longtemps les caprices du fleuve.

Garonne monte, elle s’étale », constate, Jean-Claude, un habitant de la commune, en observant les eaux se déverser lentement sur la place de l’église, hier après-midi. « Elle est montée de 15 centimètres en 5 heures. On surveille l’évolution car il ne faudrait pas qu’elle dépasse les 9 mètres ! À cette hauteur, c’est la cote d’alerte. Au-delà, il y a un risque que les digues derrière le village craquent ». Le fleuve en furie charrie des troncs d’arbre et d’énormes branchages arrachés par les dernières intempéries.


Dans quel état les sinistrés vont-ils retrouver leurs maisons ? C'est une des questions que se pose l'Etat en Lot-et-Garonne. / Photo DDM - Morad Cherchari

Après la mort d'un septuagénaire dont le corps a été retrouvé samedi après-midi à Espiens, emporté par un ruisseau en crue, à une cinquantaine de kilomètres plus au sud, les habitants de Couthures-sur-Garonne sont sur leur garde, sans céder pour autant à la panique.
C'est une crue tout à fait atypique parce que les niveaux d'eau sont très hauts et elle touche l'ensemble du département

Au cœur de cette commune de plus de 350 habitants et dont les abords sont situés en zone inondable, pas de sinistrés signalés. Les eaux arrivent quasiment au seuil des habitations. Roger, un vaillant octogénaire prend ses précautions. Une planche de bois barre l'entrée de sa maison et rien ne traîne sur les sols de son habitation où tous les livres et autres objets ont pris de la hauteur. 
"On a l'habitude de vivre avec les crues, dit-il, un brin fataliste. Il y en a tous les deux ans ou trois ans. On se prépare, on anticipe et les messages d'alerte et d'information sont bien relayés". Derrière sa maison, le fleuve a déjà envahi les champs. L'eau est montée à plus de 8 mètres et les principaux observateurs misent sur une dernière montée à 9,20 mètres durant la nuit de dimanche à lundi.


A Boé, la maison des pêcheurs menacée  / Photo C.St-.P.

C'est une crue tout à fait atypique parce que les niveaux d'eau sont très hauts et elle touche l'ensemble du département, selon la préfecture du Lot-et-Garonne, précisant que la situation à Agen devait se stabiliser dans l'après-midi. Ici, la Garonne est surtout alimentée par la Baïse et le Lot. Un peu plus en amont c'est le Tarn et le Gers qui s'y déversent. Place de la Calle, devant l'église, Jean-Claude tient ses comptes à jour sur un petit carnet. "En 1981, la Garonne était montée à 10,05 mètres. Mais c'est en 1875 où elle avait atteint un niveau record de 18,75 m  à certains endroits avec plus de 200 morts à Toulouse", rappelle ce réserviste communal qui a secouru à titre préventif quatre personnes âgées qui ont intégré un établissement spécialisé.
À Tonneins et Marmande, l'eau, qui a atteint respectivement dimanche midi 9,04 m et 8,65 m, devait continuer à monter jusqu'à lundi. Des routes ont été fermées à la circulation dans ce secteur.


Publié le 16/12/2019 à 21:03  | La Dépêche du Midi |  Anaïs Mustière

Embarquez sur le bateau des sauveteurs bénévoles pendant les inondations en Lot-et-Garonne


Loïc, originaire de Gaujac est un des "référents" du pilotage de bateau en cas de crues. / DDM Anaïs Mustière

À Gaujac, à l’ouest de Marmande, dans le Lot-et-Garonne, les habitants s’improvisent sauveteurs pour venir en aide aux habitants coupés du monde suite à la montée des eaux de ce dimanche 15 décembre. Reportage.
"Bienvenue, ici c'est Venise" rigole un homme, cheveux poivre et sel, gilet de sauvetage sur les épaules, posté  au centre de son chemin de terre, juste devant sa maison en pierre, encerclée par les eaux. Depuis la crue de ce dimanche 15 décembre, ce père de famille a sorti son bateau, son nouveau moyen de locomotion. 

"Avoir une embarcation quand on habite ici, c'est normal, elle fait presque partie des meubles", plaisante-t-il.Avec sa femme et son fils, depuis que l'eau est montée à plus de neuf mètres, ils sont coupés du monde. Enfin presque. Dans cette commune de Gaujac, située 15 kilomètres à l'ouest de Marmande, la vie continue que la Garonne décide de sortir son lit ou non. Une organisation inédite a été mise en place dans ce petit village de 260 habitants dans le Lot-et-Garonne. 


/ Photo DDM, Morad Cherchari

Une association, gérée par la municipalité, s'est créée en cas de crues. Ces "sauveteurs" bénévoles, originaires du village ou des communes limitrophes, sortent des bateaux à moteur et viennent en aide aux habitants, prisonniers des eaux. Une petite équipe se relaie toute la journée.Parmi eux, Loïc, un jeune homme, la vingtaine, bonnet vissé sur la tête, doudoune orange floquée aux couleurs de l'association. 
Il est un peu "la réfernce" dans le village. C'est en réalité un pilote de bateau hors pair. Il connaît Gaujac par coeur, il sait exactement par où aller, raconte, fier, Jean-Marie, habitant de Montpouillan, juste à côté de Gaujac, venu aider les sauveteurs du jour.


De très nombreuses routes ont été coupées en Lot-et-Garonne / Photo Morad Cherchari

Depuis ce dimanche arès-midi, il enchaîne les tournées des maisons isolées. "Je suis allé livrer des baguettes de pain, j'ai aussi fait un voyage pour emmener l'infirmière faire des soins chez un voisin", confie-t-il tout en slalomant entre la cime de peupliers et des pommiers.Ces bateaux à moteur assurent un lien permanent entre la partie du village épargnée par la crue et ces maisons devenues du jour au lendemain des îles. "Faire cela nous permet de continuer à vivre presque normalement", assure Jean-François Thoumazeau, maire de la commune. 
Il observe ce ballet depuis le débarcadère improvisé. Tous ontété prévenus la veille alors les habitants de Gaujac se sont organisés. "On a sorti les bateaux, remis en état certains. Nous avons évacué des personnes âgées avant que l'eau monte", continue le maire.


/ Photo DDM, Morad Cherchari

Jusqu'à 11 mètres
Ici, personne n'est surpris de voir les jardins transformés en étangs, les routes en voies de navigation. "Je suis né presque les pieds dans l'eau. C'est habituel, nous connaissons souvent des crues, on est rodés depuis le temps à tel point que d'habitude je fais des photos mais là;ai assez d'archives", affirme Maxou, un des plus anciens témoins de ces multiples montées des eaux. 

"Celle qui m'a marqué, c'était en 1952, je crois que c'est monté jusqu'à 11 mètres, celle-là, elle est petite à côté", plaisante-t-il, bottes aux pieds. Sa maison se situe sur la partie inondée du village.
Le moteur est relancé par Loïc. Impassible et concentré, il cherche le chemin par lequel repartir, slalomants entre les panneaux de signalisation et les amas de branchages et autres déchets draînés par le courant..../...


Publié le 17/12/2019 à 08:41   | La Dépêche du Midi |  B.C.  

Comment ils gèrent les caprices du fleuve


La Garonne à Agen. Le niveau du fleuve atteint un niveau jamais vu depuis plus de 5 ans. Les Voies sur Berges fermées pour causes des Inondations. / Photo Sud Ouest, Thierry Breton

En Lot-et-Garonne, de Tonneins à Jusix en passant par Couthure-sur-Garonne ou Marmande, les gens de Garonne vivent depuis des siècles au rythme des caprices du fleuve. Ils s’en préservent par un système de digues et casiers qui existe depuis plus de cent ans.

"Protégés par des digues, ces casiers sont soit refermés pour mettre à l’abri une zone soit recoupés par le lit majeur de la Garonne*", présente Florent Larribeau. Il est référent départemental inondation (RDI), une mission appartenant à la direction départementale des territoires (DDT). Comme à Gaujac ou à Villeton, ces espaces délimités, souvent des champs avec des habitations calées sur la crue de 1930, peuvent atteindre les 1 500 hectares. Il y en a d’autres à Saint-Pardoux, à Taillebourd, à Sénestis. Leur rôle est de lisser le débit du fleuve, de le maîtriser, de l’apaiser. Sur le Marmandais et le Tonneinquais, il y a plusieurs types d’endiguement. La plupart ont des déversoirs équipés de vannes (elles permettent aussi de vidanger).


La Garonne serpente et s’étale. / SO, DEJEANS ARNAUD

Comment ça marche ? La digue fait par exemple 9,5 m de haut et le déversoir est à 8,80 m. "Quand la Garonne va atteindre la cote de 8,80, indique Florent Larribeau, elle remplit le casier par ce déversoir. Il est alors noyé". Et d’expliquer : "L’intérêt de le submerger est de faire jouer un équilibre des forces en mettant de l’eau derrière la digue. On évite ainsi une brèche provoquée par un apport d’eau massif et violent. Et même s’il y a une surverse par-dessus de la digue, le casier se met à la hauteur de la Garonne". Le but est de briser une montée des eaux très rapides, toujours dévastatrice, de la ralentir.


L’accès aux personnes isolées se fait par le bateau des pompiers d’Aiguillon / Photo Sud Ouest, Thierry Breton

C’est exactement le scénario qui a eu lieu ce week-end. À Marmande, avec une cote à 9,20 m, une grande partie des casiers a été inondée pour former des lacs éphémères. "Nous sommes sur une crue comparable à 2003, une crue de type décennale, note Florent Larribeau. Certaines digues, à 9 m, ont surversé mais dans des casiers déjà remplis et ont créé des zones d’expansion de crue qui permette d’atténuer l’impact de la crue pour la zone concernée et pour l’aval."

Sur les 160 km de digues recensés du territoire marmandais, 90 km sont gérés Val de Garonne Agglomération (VAG). Florent Craipeau, technicien Gemapi (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) de VGA, note que le système a une fois de plus fonctionné même si certains remblais, souvent très anciens, ont lâché dans la nuit de dimanche à lundi.
*La Garonne évolue dans un lit mineur. Le lit majeur est la zone d’expansion des plus hautes eaux.


/ Photo DDM, Morad Cherchari



La Garonne toulousaine a entamé sa décrue. Ce dimanche, à midi, elle n'était qu'à 1,92m au Pont-Neuf. Samedi, à la même heure, elle atteignait 3,42m. /Photo DDM - Xavier de Fenoyl
 

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